En Allemagne, Royaume-Uni, Italie et dans presque toute l’Europe, le soutien aux gouvernements s’est accru pendant la crise. Mais, avec les Espagnols, les Français expriment au contraire leur désapprobation à l’égard de l’action des pouvoirs publics.
Confrontés à une crise d’une ampleur inconnue depuis la guerre, les gouvernements européens ont tous mis en œuvre des mesures sanitaires et économiques d’envergure.
Pourtant, face à des actions comparables dont les premiers résultats ne sont pas vraiment différents, les divers gouvernants n’obtiennent pas de leur opinion publique le même degré d’approbation.
A lire l’étude Odoxa-Dentsu Consulting réalisée durant la première semaine du mois de mai dans les cinq grands Etats européens, on note très distinctement deux groupes de pays.
Dans le premier, une majorité des sondés estime que leur gouvernement s’est montré « à la hauteur de la situation ». C’est très nettement le cas au Royaume-Uni (à 63%), en Allemagne (à 60%) et moins nettement en Italie (à 50%). Une adhésion aux gouvernants qui se répète en outre un peu partout en Europe.
La défiance des Français et des Espagnols
A l’inverse, seulement 34% des Français et 32% des Espagnols jugent favorablement l’action des pouvoirs publics.
Cette dichotomie ne trouve en rien son origine dans la gravité de la situation sanitaire et du nombre de décès. Parmi les trois grands pays qui approuvent leurs gouvernements, deux d’entre eux – Royaume-Uni et Italie – comptent le plus grand nombre de morts de toute l’Europe mais l’Allemagne en totalise quatre fois moins.
Et lorsqu’on distingue les points sur lesquels les pouvoirs publics sont évalués, le jugement des Italiens est moins favorable que celui des Allemands seulement dans deux domaines : la clarté du discours gouvernemental et les mesures en faveur des hôpitaux.
Rien à voir avec le jugement sévère des Espagnols et surtout des Français qui sont négatifs à près de 75% sur la clarté du discours et les mesures en faveur de l’hôpital mais aussi sur le crédit qu’ils accordent à la vérité de la parole des gouvernants …
Cette défiance n’est évidemment pas sans lien avec les louvoiements du pouvoir concernant la disponibilité des masques en France et l’utilité de les porter.
Mais il faut noter que 52% des Britanniques pensent que le gouvernement « a dit la vérité » et 56% qu’il s’est « montré clair » alors que Boris Johnson a minimisé au début la gravité de l’épidémie et a d’abord jugé inutile le confinement avant de se raviser ensuite…
En fait, l’histoire a montré que les Anglais ont toujours fait corps avec leurs dirigeants pendant les grandes crises. Ce n’est certes pas la tradition italienne mais, cette fois, le pays a été si déprécié, voire méprisé par ses voisins quand le virus s’est répandu que les Italiens ont eu une réaction de solidarité « patriotique ».
Ambivalence à l’égard du pouvoir…
Dans le cas des Français, la problématique est toute autre et la défiance qu’ils expriment tient beaucoup à des facteurs culturels.
Autant on peut comprendre l’exaspération des Espagnols face à une gestion gouvernementale de la crise à maints égards chaotique et anxiogène, autant le jugement des Français sur leur dirigeants peut paraître sévère, même s’il y a eu manifestement « cafouillage » sur les masques de protection.
En réalité, de nombreux sociologues et historiens font l’analyse suivante : le peuple français manifeste une croyance quasiment « religieuse » dans les pouvoirs d’un Etat qui a tôt fait de les décevoir au moindre faux pas.
De surcroit, parce qu’ils sacralisent le pouvoir, les Français ont le plus grand mal à s’identifier à leurs dirigeants et donc à tolérer leurs insuffisances…
Et les paradoxes de nos compatriotes ne s’arrêtent pas là : ils sont mécontents, méfiants mais parfois moins inquiets que les autres !
… doublée d’une certaine insouciance
L’étude Odoxa montre ainsi que 28% des Français s’inquiètent pour l’avenir de leur emploi. C’est évidemment plus que les 17% d’Allemands mais beaucoup moins que les quelques 40% d’Espagnols ou d’Italiens et même que les 31% de Britanniques. Peut-être, là encore, ont-ils l’espoir que l’Etat va les protéger…
Le Covid ne profite pas aux populistes
Il est sans doute encore un peu tôt pour juger des conséquences politiques de cette crise.
On constate toutefois en Allemagne une remontée de dix points dans les sondages de la CDU de la chancelière Merkel. En revanche, le soutien à Boris Johnson et aux conservateurs britanniques s’érode depuis trois semaines et l’écart avec les travaillistes est passé de 12 à 4%.
Si en Italie et en Espagne, tout comme en France, le soutien (plutôt faible) aux partis de gouvernement ne semble pas varier, le fait intéressant à noter dans ces trois pays est que les populistes ne profitent pas de la crise.
Le Rassemblement National stagne en France et on voit même les Italiens de la Ligue et les Espagnols de Vox perdre sensiblement du terrain dans les sondages.