Mal payés et surchargés de tâches, les infirmiers français épuisés par le Covid n’en peuvent plus. Ailleurs en Europe, leurs rémunérations sont en général meilleures mais, partout, la profession dénonce des conditions de travail dégradées.
Dans toute l’Europe, pendant la crise du Covid, les populations confinées ont applaudi tous les jours le dévouement et le courage de leurs personnels soignants.
A l’heure où se ralentit la circulation de la pandémie, de nombreux soignants exigent à présent que la reconnaissance de la population se traduise en termes beaucoup plus concrets en matière de rémunération, d’effectifs et de conditions de travail.
Une exigence particulièrement forte en France où le président de la république a promis « un plan d’investissement massif dans l’hôpital ».
Si l’on se focalise sur le seul métier d’infirmier, il faut dire que la situation de ces personnels en termes de revenus et de charge de travail semble particulièrement dégradée dans l’Hexagone.
Mais le constat est presque partout le même sur le continent : les infirmiers dénoncent la dégradation de leurs conditions de travail.
Situation contrastée en termes d’effectifs
Ce n’est pas forcément une question de sous-effectifs. Même en Suisse les conditions d’exercice du métier sont jugées insatisfaisantes alors que, si l’on se réfère aux données de l’OCDE, le nombre de personnels infirmiers y est de très loin le plus élevé d’Europe par rapport à la population.
Dans la confédération, ils sont de fait plus de 17 pour 1000 habitants alors que l’on n’en compte que 10,5 en France. Un chiffre qui a pourtant augmenté de 40% par rapport à l’an 2000.
S’il y a vingt ans l’on pouvait sans nul doute affirmer que l’Hexagone était mal pourvu en infirmiers, sa situation est aujourd’hui plutôt dans la moyenne européenne, assez proche de ce que l’on observe en Belgique, aux Pays-Bas, en Suède, au Danemark.
Certes, avec 13 infirmiers pour 1000 habitants, l’Allemagne est sensiblement mieux lotie que la France.
Mais plusieurs pays importants sont moins bien pourvus : le Royaume-Uni, avec un rapport de 8 pour 1000, et surtout l’Italie et l’Espagne qui n’atteignent pas 6 pour 1000. Ce n’est donc pas un hasard si la pression de l’épidémie a été aussi forte sur le système de santé de ces deux derniers pays.
En outre, si l’on ne prend en considération que les seuls infirmiers à l’hôpital, la France fait jeu égal avec ses voisins du nord – voire plutôt mieux que l’Allemagne et les Pays-Bas – et elle n’est vraiment distancée que par le Danemark.
Un contexte particulier en France
Pratiquement tous les infirmiers d’Europe sont confrontés à un accroissement de la demande de soins, à la complexité accrue des protocoles et ils se sentent débordés.
Mais en France, l’application des 35 heures à la fonction publique hospitalière a perturbé l’organisation de services fonctionnant à flux tendus.
Et puis, en 2005, il y a eu la réforme financière de l’hôpital qui a eu pour conséquence une réorganisation radicale des services hospitaliers, un alourdissement des contrôles et, pour les infirmiers, une multiplication des tâches de gestion, des réunions en tous genres, des comptes rendus permanents… Le « ras-le-bol » des personnels y est donc particulièrement aigu.
Problème de rémunération et de reconnaissance dans l’Hexagone
D’autant qu’il est indéniable que la France paie moins ses infirmiers que les autres pays d’Europe de l’Ouest.
Selon l’OCDE, l’Hexagone n’arrive qu’en onzième position dans l’UE en matière de pouvoir d’achat des rémunérations, celui qui tient compte du coût de la vie dans chaque pays, (les statisticiens parlent de « parité de pouvoir d’achat »).
Concrètement, avec une rémunération mensuelle moyenne nette de 2070 €, les infirmiers français sont clairement moins payés que leurs collègues allemands (près de 2400 € en moyenne) et même espagnols (2600 €). Sans évidemment parler des Suisses dont les infirmiers débutent à environ 4000 € !
Parmi nos voisins, seuls les soignants italiens sont moins bien lotis avec 1.500 euros nets en milieu de carrière.
Mais ce qui est certainement le plus frustrant pour la profession infirmière en France, c’est le faible niveau de considération sociale que traduit la rémunération des infirmiers.
De fait, contrairement à tous leurs voisins, les infirmiers français sont en moyenne payés 6% de moins que le salaire moyen national. En Italie, c’est 6% de plus, en Belgique 11% de plus, 13% en Allemagne et 28% en Espagne !
Des revendications dans toute l’Europe
Les Français ne sont pourtant pas les seuls à réclamer des hausses de salaires. Cette question est l’objet d’un bras de fer politique en Italie, la Ligue de Matteo Salvini ayant déposé au Sénat une proposition d’augmentation pour l’instant bloquée par l’actuelle coalition réunissant le centre-gauche et le mouvement « anti-système » cinq étoiles.
En Allemagne, les socio-démocrates du SPD appuient les demandes d’augmentation des syndicats infirmiers.
Et au Royaume-Uni où, il est vrai, les salaires de la profession ne sont guère plus élevés qu’en France, une pétition réclamant leur revalorisation a recueilli 160.000 signatures. Mais le gouvernement de Boris Johnson s’en tient pour l’instant aux revalorisations salariales de 6,5% concédées sur trois ans en 2018.
Même en Espagne où le salaire infirmier moyen est correct mais stagnant depuis longtemps, les revendications salariales existent à cause de grandes disparités entre secteur hospitalier public et privé.
Et puis, pratiquement partout, l’exercice de la profession infirmière étant sous tension, il s’agit de rendre le métier plus attractif afin de pouvoir recruter.