Le Covid 19 a entrainé un spectaculaire développement du travail à domicile. Une pratique qui était déjà plus répandue en 2019 au nord de l’Europe qu’au sud et qui, en France, concernait deux fois plus de travailleurs qu’en Allemagne.
Les semaines de confinements qui, dans la plupart des pays d’Europe, ont gravement entravé au printemps le fonctionnement des entreprises ont entrainé une explosion du travail effectué au domicile, ce que l’on appelle communément le « télétravail ».
Il est bien sûr trop tôt pour mesurer les effets à long-terme de la pandémie sur le développement de cette pratique. Mais, dans ce domaine, on doit constater que tous les pays européens ne partent pas du même niveau, tant en ce qui concerne le télétravail « habituel » que le télétravail occasionnel.
Le puissant accélérateur du confinement…
Si l’on en croit une étude « Eurofound » publiée au printemps, le covid 19 a donné un sacré coup d’accélérateur au travail à la maison. Mais il y a des disparités selon les pays.
Ainsi, au Bénélux et en Finlande, plus de la moitié des travailleurs ont commencé, avec le Covid, une activité de travail depuis leur domicile et pas loin de la moitié au Danemark.
Cette proportion est moindre dans les grands pays européens mais reste assez élevée en Italie (41%), France (37%) ou Allemagne (36%).
Elle est en revanche plus faible en Espagne (30%) ainsi que dans la plupart des pays d’Europe orientale.
… reste à l’œuvre dans certains pays
Avec la fin des confinements, ce passage au télétravail s’est semble-t-il en partie maintenu par la suite même si les données globales manquent encore.
Il ressort par exemple d’une étude « Yougov » publiée en août que 27% des salariés Français se trouvaient en télétravail pendant le confinement mais que, au début du mois d’août, cette proportion était revenue à 15%. Ce qui indique que cette pratique a été beaucoup conditionnée par les restrictions aux déplacements.
Le phénomène est moins sensible au Royaume-Uni par exemple ou les 35% de travailleurs en télétravail durant le confinement étaient encore 29% début août.
Avant la crise, une réalité contrastée en Europe
Les données Eurostat concernant 2019 montrent là encore une réalité contrastée en matière de développement du télétravail.
Deux pays se détachent très nettement du lot : ce sont les Pays-Bas et la Finlande où, l’an dernier, plus de 14% des personnes en emploi travaillaient déjà de façon habituelle hors des locaux de leur entreprise.
Pour les Pays-Bas, c’est parce que le travail à temps partiel est particulièrement développé dans ce pays, ce qui rend sans doute moins naturelle et évidente la présence dans l’entreprise.
Mais pour l’ensemble des pays de l’UE, la moyenne des gens habituellement en télétravail était beaucoup plus faible en 2019 : à peine plus de 5%.
C’est à peu près cette proportion que l’on retrouve en Allemagne, au Royaume-Uni et en Espagne tandis que moins de 4% des travailleurs italiens sont dans ce cas.
Une pratique plus développée en France qu’en Allemagne
Quant à la France, il faut souligner que le télétravail y est sensiblement plus important, à 7%.
C’est plutôt une surprise dans la mesure où la culture managériale française très axée sur les hiérarchies intermédiaires, ne semble pas a priori favorable au télétravail contrairement aux cultures du nord de l’Europe.
Certains expliquent que l’importance du secteur tertiaire français est plus propice à l’emploi à domicile que le secteur industriel, plus large en Allemagne ou en Italie.
Le télétravail occasionnel plus fréquent
Au Royaume-Uni, si le télétravail habituel est peu répandu malgré l’existence d’un énorme secteur financier, on observe un assez fort contingent d’employés travaillant « occasionnellement » en télétravail : 22% contre 16% en France et seulement 7,5% en Allemagne et moins de 6% en Italie.
Reste qu’en matière de télétravail occasionnel, c’est la Suède, avec plus de 31% qui mène le bal.
Si l’on additionne télétravail habituel et occasionnel, Pays-Bas et Suède voient plus du tiers de leur main d’œuvre concernée par cette pratique. Au Royaume-Uni, c’est 26% et en France 23%. Et l’Allemagne est bien loin avec seulement 12%.
Une nouvelle donne socio-économique
Tout indique que la pandémie va avoir des effets durables sur le travail à domicile. Concernant l’Allemagne, une enquête de l’institut Fraunhofer auprès de 500 sociétés montre que 42% d’entre elles ont l’intention d’accroître leur offre de télétravail.
En France, la pratique devrait également se développer puisque la moitié des « confinés » du travail au printemps s’affirment disposés à poursuivre le télétravail occasionnellement.
Toutefois, on constate dans l’Hexagone une assez forte méfiance syndicale à l’égard d’une pratique qui fragiliserait la protection des droits des travailleurs.
De fait, on peut se demander si une telle forme de travail individualisé n’est pas de nature à remettre en cause le pouvoir collectif des salariés de peser sur la politique de leur entreprise.
Ce serait un effet plutôt négatif de l’extension du télétravail qui, d’un autre côté, laisse entrevoir un certain nombre d’effets vertueux.
En matière immobilière notamment, la moindre demande de locaux professionnels devrait libérer des surfaces à usage d’habitation et contribuer à faire baisser les prix.
Le télétravail devrait également désengorger les transports publics et diminuer l’intensité du transport individuel, ce qui est une excellente nouvelle pour l’environnement.
Il pourrait enfin permettre de redynamiser l’économie des petites villes et des zones rurales.