L'influence surprenante de Joe Biden sur un sujet apparemment impossible à résoudre a fait basculer le statu quo sur la propriété intellectuelle des vaccins alors que l'industrie pharmaceutique prévoit d'importants bénéfices pour l'année. In extremis, la France rejoint la discussion.
Le mandat de Joe Biden continue de surprendre avec un revirement surprenant sur l’épineuse question de la levée des brevets sur les vaccins anti-Covid. Hier, à la surprise générale, le président des Etats-Unis s’est dit favorable à une telle mesure afin de faciliter la production et la distribution et réduire ainsi la fracture entre pays riches et pays pauvres. « Des circonstances extraordinaires réclament des mesures extraordinaires ».
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a aussitôt salué une « décision historique ». L’OMS avait appelé les membres du G7, réunis à Londres, à augmenter son aide au système de partage des vaccins Covax, qui n’a pour l’instant livré que 49 millions de doses sur un total de 121 pays alors que l’objectif est de 2 milliards de doses pour cette année. Pourtant, aucun montant spécifique n’a été annoncé, ce qui a été vivement critiqué par l’ONG Oxfam, qui dénonce « l’incapacité persistante du G7 à rompre les monopoles contrôlés par les sociétés pharmaceutiques ».
Changement symbolique
La décision américaine va à l’encontre d’un lobby pharmaceutique américain très puissant, avec à sa tête la Fédération américaine des fabricants pharmaceutiques, pour qui la levée des brevets pourrait « affaiblir davantage les chaînes d’approvisionnement déjà tendues et favoriser la prolifération de vaccins contrefaits ». Une réponse souvent classique de la part de fabricants qui engrangent désormais d’importants profits. Pfizer prévoit récolter 26 milliards de dollars sur l’année et Moderna 18 milliards de dollars.
Poussée par l’initiative américaine, l’Union européenne (UE) se dit désormais prête à discuter d’une levée de brevets, même provisoire. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré qu’elle était prête à réfléchir à toute proposition qui s’attaquerait à la crise « de façon efficace et pragmatique. Nous sommes prêts à discuter de la façon dont la proposition américaine peut permettre d’atteindre cet objectif ».
Dans cette mobilisation européenne, la France faisait cavalier seul. Depuis juin, le pays a voté à deux reprises contre une résolution afin de lever les brevets, en s’opposant en octobre et en mars à des propositions déposées à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), notamment par l’Inde et l’Afrique du Sud. Aujourd’hui, Emmanuel Macron a basculé du côté des anti-brevets.