Au-delà de l’affaire des réfugiées de Ceuta (notre photo), l’arrivée des migrants en Europe a tendance à se ralentir. Mais les pays de l’UE se montrent plus ou moins ouverts. Face à une forte demande, la France accorde assez peu de titres de séjours et prononce beaucoup d’expulsion qui sont rarement exécutées.
L’arrivée, depuis une semaine, de quelques 8000 migrants clandestins dans l’enclave espagnole de Ceuta, au Maroc, relance la question du droit d’asile sur le continent européen.
Une question que la pandémie de Covid 19 avait un peu mise entre parenthèses en 2020, année où les demandes d’asile ont diminué de près de 25%.
Mais si l’on se réfère aux chiffres plus exploitables de 2019, on voit que le flux migratoire s’est ralenti de moitié depuis le pic de 2015.
Restent de grandes disparités au sein de l’Europe, tant du point de vue des demandes d’asile que des titres de séjours accordés ou du nombre de réfugiés renvoyés dans leur pays d’origine.
Des règles similaires…
Les règles concernant le droit s’asile sont assez similaires dans tous les pays de l’UE puisque toutes se réfèrent à la convention de Genève de 1951 qui confère le statut de réfugié à « toute personne craignant d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques ».
Ce statut ouvre droit à l’asile dans le pays d’arrivée sous la forme d’un titre de séjour. Cela dit, certains pays mentionnent le droit d’asile dans leur texte constitutionnel qui élargit le droit à une protection.
Il en est ainsi en Allemagne où une protection subsidiaire est accordée aux personnes exposées « à des dangers » dans leurs pays.
Quant à la France, le préambule de la constitution de 1946, repris par celle de 1958, pose que le droit d’asile s’applique à « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ».
… mais de grandes disparités sur l’octroi des protections
Cela dit, les pays se montrent plus ou moins enclins à accorder l’asile à ceux qui en font la demande.
En s’appuyant sur les chiffres harmonisés produit par l’office européen Eurostat, on constate qu’en 2019 l’Espagne n’a rejeté que 34% des demandes d’asiles qui lui étaient adressées.
En Allemagne, la proportion de rejets atteint 55% mais plus de 70% en Suède, plus de 75% en France et 80% en Italie.
Partout, face aux crispations récentes des opinions publiques, les réponses négatives ont augmenté mais singulièrement en Suède et en Italie.
142.000 demandes en Allemagne, 120.000 en France
En considérant les premières demandes d’asile, celles qui ne tiennent pas compte des demandes en appel, on en dénombrait en 2019 142.000 en Allemagne, 120.000 en France, 115.000 en Espagne et 35.000 en Italie.
Mais on a vu que le nombre de protections accordées est différent : il y en a trois fois moins en France qu’en Allemagne.
28% des « déboutés » de l’asile en Europe renvoyés chez eux
Que se passe-t-il pour ceux dont la demande d’asile est rejetée ? En théorie, ces « déboutés de l’asile », sauf dans certains cas comme celui des mineurs, doivent quitter le territoire et revenir dans leur pays d’origine.
Mais en Europe, ils ne sont en moyenne que 28% à repartir car le renvoi vers le pays d’origine se heurte souvent à la réticence des autorités de ce pays, malgré l’existence de nombreux accords bilatéraux et européens dits de « réadmission ».
Mais dans ce domaine plus encore que dans les autres, les disparités sont énormes. Non parce que les nombres de « reconduits à la frontières » diffèrent tellement : pour 2019, 25.000 en Allemagne, 18.000 en France, 11.000 en Espagne…
Mais parce que la proportion d’expulsions effectives varie considérablement : il est de 88% en Pologne et de 52% en Allemagne ; mais seulement de 30% en Espagne, de 24% en Italie et, tenez-vous bien, il n’atteint que 14% en France !
La France championne des « décisions d’éloignement »
La raison, trop souvent ignorée, de ce taux dérisoire c’est que la France est le pays qui prononce, en Europe, le plus grand nombre de décisions d’éloignement : près de 125.000 en 2019, soit deux fois et demi plus que l’Allemagne et près de cinq fois plus que l’Italie.
Le problème est que les renvois vers les pays d’origine sont toujours difficiles à exécuter car, malgré les accords de réadmissions, les pays concernés ne se montrent pas toujours très coopératifs, notamment au niveau des consulats locaux.
Du coup, les très nombreux déboutés du droit d’asile en France (les trois quarts des demandeurs) s’entassent dans les centres de rétention…
Certains parlent de laxisme. En réalité, il s’agirait plutôt d’un excès de rigueur venant de préfets sous pression du pouvoir politique qui multiplient des décisions d’expulsion sans se préoccuper se savoir si elles sont exécutables !