Alors que les applications pour les biocarburants se multiplient, les pouvoirs publics musclent la directive européenne sur les énergies renouvelables. Objectif : promouvoir des biocarburants plus durables.
La quasi-totalité des biocarburants consommés dans le monde est destinée aux transports terrestres. « Ils se répartissent entre les filières essence et gazole, dans lesquelles ils constituent des additifs aux carburants d’origine pétrolière », indique sur son site l’Agence de la transition écologique (Ademe). Désormais, ces carburants s’envolent vers de nouveaux horizons.
Des biocarburants pour toutes les motorisations
En janvier 2020, la ministre de l’Écologie d’alors, Élisabeth Borne, présentait sa feuille de route pour des biocarburants aéronautiques durables (SAF) dans le transport aérien français. Celle-ci prévoyait de substituer du kérosène par des SAF à hauteur de 1% en 2022, de 2 % en 2025 et 5 % en 2030. La Stratégie nationale bas carbone du Gouvernement fixait, au final, un objectif de long terme de 50 % de substitution. Et pour cause, leur utilisation permettrait de réduire de plus de 85 % les émissions de CO₂ par rapport à un carburant conventionnel.
Plus d’un an après, où en est-on ? D’après la Direction générale de l’aviation civile, l’utilisation, en France, de biocarburants représente à peine 0,1% des 360 milliards de litres de carburant brûlés chaque année. Néanmoins, plusieurs initiatives portées par les compagnies aériennes et les industriels voient le jour. Dernière en date : Total a annoncé, début avril, avoir entamé la production de SAF, dans sa bioraffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône) et sur son site d’Oudalle (Seine-Maritime), afin de livrer les aéroports français. « L’ensemble de ces biocarburants aériens durables seront produits à partir de déchets et résidus issus de l’économie circulaire (graisses animales, huiles de cuisson usagées…). Total n’aura pas recours à des huiles végétales », promet l’entreprise dans un communiqué.
Le rail ne fait pas non plus exception. Mi-avril 2021, la Région Normandie et la SNCF ont, par exemple, annoncé une expérimentation sur la ligne Paris-Granville. Entre trois et cinq trains par jour y carbureront au biodiesel 100 % colza (B100), de production française, plutôt qu’au diesel. Soit une réduction possible de 60% des émissions de CO2 sur cette ligne. Ce carburant, déjà produit par Bolloré Energy, est traditionnellement destiné au transport routier. Comme pour les véhicules terrestres et les avions, aucune modification technique d’importance n’est à prévoir.
La biomasse pour verdir le mix énergétique
Autre débouché moins connu et pourtant porteur : la production d’électricité. En France, la biomasse représente 55 % de la production d’énergie finale renouvelable. Récemment, c’est EDF PEI, filiale du géant français dédiée à la production d’électricité dans les territoires insulaires, qui a annoncé travailler à la conversion de trois centrales au fioul lourd en centrales à huiles végétales. Ces infrastructures sont respectivement basées à La Réunion, en Martinique et en Guadeloupe. Une quatrième installation sortira de terre en Guyane. Encore une fois, les modifications techniques nécessaires à la conversion seront minimes. D’après EDF, l’utilisation de biomasse liquide par ces quatre centrales permettrait d’économiser jusqu’à 1,5 million de tonnes de CO2 par an et de réduire les émissions de poussières et d’oxyde de soufre. D’après EDF, l’utilisation de biomasse liquide par ces quatre centrales, non classées Seveso, permettrait d’économiser jusqu’à 1,5 million de tonnes de CO2 par an et de réduire les émissions de poussières et d’oxyde de soufre
Incorporer de plus en plus de biocarburants dans autant d’applications devrait donc générer une réduction des émissions de gaz à effet de serre en conséquence. Mais la durabilité réelle de certains biocarburants dits de première génération – huile de palme en tête – est constamment remise en question. La raison ? Les matières premières nécessaires à leur confection sont généralement produites sur des terres agricoles auparavant utilisées pour des cultures de denrées alimentaires ou d’aliments pour animaux. Or la demande croissante en biocarburant augmente d’autant le besoin en terres dont certaines offrent un fort stockage de carbone, telles des forêts, des zones humides ou encore des tourbières. Ainsi, la destruction de ces espaces libère le CO2 stocké dans les arbres ou le sol, au détriment de la lutte contre le réchauffement climatique.
Pour tenter de juguler ces effets néfastes, la directive européenne 2009/28/CE (RED I) sur les énergies renouvelables, révisée en 2018 (RED II), stipule que la production et la consommation de biocarburants sont encadrées par des critères destinés à s’assurer de leur durabilité. Et ce, en termes de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) comme de limitation de changement d’affectation des sols. Par exemple, un biocarburant doit entraîner une réduction des émissions de GES d’au moins 50% par rapport à l’équivalent fossile (65% pour les plus récents). Le calcul sera basé sur la méthodologie d’Analyse du cycle de vie « du puits à la roue ». Les aides publiques sont d’ailleurs conditionnées au respect de ces critères.
Contrôle renforcé
Lentement, l’étau se resserre autour des biocarburants de première génération. En France par exemple, début avril, le tribunal administratif de Marseille a donné neuf mois au préfet des Bouches-du-Rhône pour réviser son autorisation d’exploitation de la bioraffinerie de La Mède et sa capacité de 500 000 tonnes de biodiesel annuel. Et pour cause ! A elle seule, cette installation a fait augmenter les importations d’huile de palme de 60 % en France et de 20 % au niveau européen. Plus tôt dans l’année, une décision du Conseil d’État confirmait que les produits contenant de l’huile de palme seront désormais exclus de la liste des biocarburants bénéficiant d’un avantage fiscal. De son côté, EDF PEI s’est engagée à n’utiliser que des produits certifiés RED II, à ne recourir ni à l’huile de palme ni à celle de soja dans ses usines.
Et alors que les applications pour les biocarburants tendent à se diversifier, le ministère de la Transition écologique a mis en consultation, fin avril, un projet de décret de transposition du volet durabilité des bioénergies de la directive européenne sur les énergies renouvelables RED II. L’objectif ? Appliquer les critères de durabilité et de réduction des émissions de gaz à effet de serre à la production de gaz, d’électricité, de chaleur et de froid à partir de combustibles solides ou gazeux issus de biomasse.