Les questions de société, l'indépendance de la presse et de la Justice sont au coeur de la politique de Varsovie qui cherche à utiliser le populisme d'une partie de sa population, catholique et conservatrice, contre une majorité de Polonais pro-Europe. Un "Polexit" n'est pas probablement pour demain, mais ces conflits affaiblissent néanmoins d'Europe.
Cela fait des mois que la Pologne et quelques pays d’Europe de l’Est contestent les principes fondamentaux de l’Union européenne, à partir de motifs souvent populistes. En mai dernier, la loi votée par le PiS, qui permet de sanctionner les juges polonais qui remettent en question les réformes de la justice, est entrée en vigueur. Derrière cette loi, la tentation de l’Etat polonais de s’affranchir des règles communautaires sur la liberté d’expression, mais aussi envers les droits des femmes (avortement), les personnes LGBT et contre les personnes migrantes. L’Europe a vite réagi avec une procédure d’infraction par l’UE en avril 2020, puis de la Cour de justice européenne (CJUE) en mars 2021.
Le jeudi 7 octobre, le Tribunal constitutionnel polonais, la plus haute juridiction du pays, s’est prononcé contre la primauté de certains articles des traités européens de la Constitution du pays. En clair, Varsovie refuse de se plier au droit européen, une manoeuvre que le Quai d’Orsay considère comme « gravissime ». « Ces propositions ressemblent à un coup d’Etat de la Pologne contre l’Etat de droit », déclare Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel.
Une escalade dans le bluff
Pour l’instant, le Tribunal constitutionnel polonais n’a émis qu’une déclaration orale, il n’y a pas de document écrit sur sa décision. Et ce n’est pas la première fois que Varsovie se comporte ainsi, en établissant un rapport de force avec le Parlement européen, tout en espérant garder l’important soutien financier de l’Europe envers la Pologne. « Ce n’est pas un sujet technique ou juridique, mais éminemment politique, qui s’inscrit dans une longue liste de provocations à l’égard de l’Union européenne » résume Clément Beaune, le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes.
Faut-il s’attendre à des sanctions financières? Est-ce que l’Union européenne surjoue son opposition aux coups de bluff polonais? Le conflit pourrait avoir des conséquences sur le versement des fonds de relance à la Pologne. L’UE n’a pas encore approuvé les 23 milliards d’euros de subventions et les 34 milliards d’euros de prêt bon marché prévus. L’Europe attend aussi la réponse du peuple polonais qui, à 80%, soutient l’appartenance du pays à l’Europe et refuse un hypothétique « Polexit ». D’autant plus que de nombreuses manifestations ont lieu en Pologne depuis la décision du Tribunal constitutionnel polonais.