Les populistes et l'extrême droite européenne instrumentalisent la peur migratoire et, de fait, les migrants et réfugiés sont souvent mis à l'écart des stratégies vaccinales. Les barrières administratives, logistiques, géographiques, culturelles, linguistiques et financières, mais surtout la stigmatisation envers les migrants empêche une vaccination qui, pourtant, protègerait la population générale.
En 2015, l’Allemagne est parvenue à intégrer en un temps record 1,5 million de réfugiés, grâce, entre autres, à une politique sanitaire volontariste : tests de dépistage pour les maladies transmissibles, check-up médical, prévention. Mais, face à la méfiance accrue de l’opinion publique, accentué par de nombreux leaders politiques sur le continent européen, les personnes réfugiées sont souvent exclues des plans de vaccination. En avril 2021, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 153 pays avaient développé des stratégies nationales de vaccination contre le Covid-19 incluant les personnes réfugiées. Cependant, peu de plans indiquent comment, en pratique, elles pourront y avoir accès.
À l’occasion de la Journée internationale des migrants, l’OMS et l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) dénoncent leur exclusion des plans de vaccination de nombreux pays. « Selon notre analyse sur 180 pays, les migrants en situation irrégulière ne peuvent pas obtenir le pass COVID-19 dans au moins 45 pays, et dans 46 l’accès reste flou. » explique Jacqueline Weekers, directrice de la division santé de l’OIM. « L’accès équitable aux services de santé reste insuffisant, et la stigmatisation, la discrimination à l’encontre des migrants se sont répandues – comme l’ont montré des reportages, après la découverte du variant Omicron. »
Une erreur en terme de santé publique
Vacciner les personnes réfugiées et migrantes n’est pas seulement un impératif légal et moral, mais également une nécessité médicale. Tous les experts s’accordent pour dire que la population mondiale ne pourra pas se protéger du Covid-19 si l’ensemble des pays en voie de développement n’ont pas accès aux vaccins. De même, les migrants et réfugiés qui se dirigent vers l’Europe devraient être vaccinés en priorité, vu les conditions dans lesquelles ils vivent, ce qui favorise la propagation du virus, mais aussi d’autres infections transmissibles. La Jordanie et le Rwanda (750 000 et 138 000 personnes réfugiées accueillies) ont montré l’exemple en vaccinant ces personnes en même temps que leurs ressortissants.
Ainsi, il est dans l’intérêt des pays d’accueil de favoriser la vaccination de toute la population, y compris des ressortissants étrangers qui vivent sur son sol. « Aujourd’hui, une personne sur trente est un migrant, une personne sur quatre-vingt-quinze est un déplacé forcé », selon le directeur du programme Migration et Santé de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Santino Severoni. « En d’autres termes, nous sommes préoccupés car nous avons estimé à environ un milliard entre les migrants, les réfugiés, les migrants irréguliers et les déplacés internes, le nombre de personnes qui peuvent ne pas avoir accès aux systèmes de santé. »