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En Belgique, une étude déplore l’explosion de la contrebande de cigarettes

jeudi, 29 septembre, 2022 - 14:44

L’Union européenne (UE) souhaite se pencher sur les effets délétères du commerce parallèle de tabac à l’occasion de la révision de la directive 2008/118/UE sur les droits d’accises à partir d’octobre 2022, puis sur la directive « produits du tabac » à partir de juillet 2024. Dans le même temps, une étude de Cimabel, qui réunit les fabricants de tabac de Belgique et du Luxembourg British American Tobacco (BAT), Japan Tobacco International (JTI), Imperial Tobacco et Landewick, déplore une explosion de la contrebande de cigarettes en Belgique.

Cette étude, pourtant commanditée par des industriels, dresse un constat diamétralement opposé à celui du rapport KPMG – Philip Morris International (PMI), publié en juin 2022. La méthodologie de ce dernier avait d’ailleurs suscité de vives critiques des principales organisations de lutte anti-tabac, notamment le Comité National Contre le Tabac (CNCT), qui pointait « certaines incohérences dans les chiffres du rapport sur le commerce illicite » et « une surestimation des produits de contrefaçon ». Une différence existe en effet entre les cigarettes de contrefaçon, produites dans des usines clandestines, et les cigarettes de contrebande, issues des centres de production des cigarettiers mais vendues hors des points de vente autorisés, qui constituent l’immense majorité du commerce parallèle.

Le CNCT avait à l’époque dénoncé les conclusions du rapport KPMG – PMI, qui dresse un lien contesté entre la hausse des taxes sur le tabac et augmentation du commerce parallèle. Des affirmations « que contredisent les observations réalisées dans les pays à haut revenu », explique le CNCT.

Une hausse du commerce de contrebande mais une part négligeable de cigarettes de contrefaçon

Selon l’étude de Cimabel, plus d’un paquet de cigarettes sur cinq vendu en Belgique -21,8 % des ventes- viendrait de l’étranger. Une hausse brutale, sachant que la précédente enquête, conduite en octobre 2021, démontrait que les cigarettes de contrebande ne pesaient « que » 13,8 % des ventes globales, soit un bond de 63 %. D’un point de vue financier, Kris de Baets, administratrice de Cimabel, chiffre à 700 millions d’euros la perte fiscale pour les pouvoirs publics belges. Une somme non-négligeable dans un contexte budgétaire de plus en plus tendu.

En revanche, contrairement au rapport PMI – KPMG, l’étude de Cimabel pointe la quantité négligeable de cigarettes de contrefaçon dans le commerce parallèle. L’enquête la chiffre à 1,9 %. Un taux conforme aux données issues d’une étude menée en France en 2016 par Seita – Imperial Tobacco, qui estimait la part des cigarettes de contrefaçon à environ 0,2 % du volume global. Pour rappel, l’étude PMI – KPMG évoquait le taux de près de 12 % de cigarettes de contrefaçon dans la consommation nationale française.

Une réalité contre-intuitive mais pourtant logique. Les usines clandestines restent lourdement dotées en infrastructures, en personnels et en matières premières et surtout particulièrement exposées à un démantèlement complet en cas d’intervention policière. Dans ce contexte, l’acquisition massive de cigarettes dans des pays à faible fiscalité revendues dans des pays où les taxes sont plus importantes, est financièrement bien plus avantageuse pour les trafiquants. Kris de Baets l’illustre parfaitement, en démontrant que les cigarettes qui alimentent les trafics en Belgique viennent majoritairement de Bulgarie, État-membre de l’Union européenne, où le paquet est vendu moins de 3 euros. « On constate que ces mouvements viennent surtout des pays de l’Est. Peut-être certains travailleurs en provenance de ces régions viennent-ils en Belgique en emportant des paquets de cigarettes, mais pour le reste, il s’agit vraisemblablement de gangs organisés », explique Kris de Baets au magazine belge l’Écho.

Une étude qui interroge le rôle des cigarettiers

La grande majorité des cigarettes vendues hors du marché officiel sont donc directement issues des usines de production des cigarettiers. Celles de Philip Morris International, mais aussi celles de British American Tobacco (BAT), Japan Tobacco International (JTI), Imperial Tobacco et Landewick.

En revanche, la Belgique bénéficie aussi indirectement de ce système, au détriment de son voisin français. Les prix du tabac pratiqués en Belgique, mais aussi au Luxembourg, sont en effet largement plus faibles qu’en France. En 2018, le nombre de cigarettes achetées en Belgique par des fumeurs français était ainsi estimé à 1,8 milliard, pour 1,1 milliard d’unités au Luxembourg. Pour la France, les pertes fiscales liées à l’achat de cigarettes à l’étranger sont stratosphériques et estimées à près de 5 milliards d’euros par an, en incluant aussi les achats en Espagne, Andorre ou encore en Italie.

Plus indirectement, les hausses des taux de commerce parallèle de tabac témoignent aussi de l’inefficacité opérationnelle du système de traçabilité européen des produits du tabac, mis en en œuvre en 2019 et opéré par bribes par les partenaires traditionnels des cigarettiers, notamment Inexto, Atos ou encore Dentsu Tracking. Ils s’inscrivent dans la continuité de Codentify, un système de traçabilité créé par les cigarettiers. Le système Codentify avait été, dès 2013, au cœur de critiques venues des experts et du milieu universitaire, qui dénonçaient notamment ses liens d’intérêts directs avec les industriels, qui faisaient alors -et font encore- l’objet de vives critiques pour leur participation supposée au commerce parallèle.

Pour contrer la hausse du commerce illicite, les organisations antitabac suggèrent le déploiement de « quotas d’approvisionnement par pays en fonction de leur consommation intérieure réelle afin d’éviter le surapprovisionnement en tabac des zones frontalières », doublée d’une augmentation « significative et régulière » des taxes sur les produits du tabac et le déploiement d’un système de traçabilité indépendant, conforme au Protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac de l’OMS. Autant de débats sensibles qui devraient être au cœur des futures réformes de l’UE.

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