L'Europe veut se protéger d'un afflux massif, pour des raisons de sécurité, mais se trouve dans une situation éthique complexe car les réfugiés russes qui refusent de participer à la guerre et devraient être accueillis, tout comme les réfugiés ukrainiens.
Le ministre de la Défense russe Serguei Shoigu a annoncé que 200.000 personnes ont rejoint les rangs de l’armée depuis l’appel à la mobilisation partielle du 21 septembre dernier. Ce qui est loin d’atteindre le but de rassembler 300.000 réservistes. Car depuis la même date, ce sont 260.000 hommes qui ont fui vers l’étranger de crainte d’être enrôlés. Ils sont en majorité partis vers la Géorgie, l’Arménie ou le Kazakhstan ou en Turquie par avion. Face à cet exode qui suit celui des Ukrainiens depuis le début du conflit, la Commission européenne a demandé aux 27 de réduire au maximum la délivrance de visas aux citoyens russes. « Les Etats membres doivent procéder à une évaluation très approfondie et si une personne peut constituer une menace pour la sécurité ou pour les relations diplomatiques de certains Etats membres, cette personne ne devrait pas recevoir de visa. Si une personne, un citoyen russe, a l’intention de rester plus de 90 jours dans l’UE. Il ou elle ne devrait pas recevoir de visa », a prévenu Ylva Johansson, Commissaire européenne aux affaires intérieures.
Plusieurs pays ont déjà entériné cette décision, comme la Finlande qui a fermé la frontière avec la Russie. Une prise de position critiquée par les défenseurs des droits de l’Homme qui pointent les risques encourus par ceux qui tentent de s’échapper. Les Etats baltes ont ainsi interdit tous les Russes, sans distinction, afin de préserver leur propre sécurité. En Géorgie, l’arrivée massive de réfugiés russes provoque une flambée de l’immobilier depuis que 100.000 personnes sont arrivées dans cette République de 3,7 millions d’habitants. Les prix des loyers ont augmenté de 60% depuis avril dernier. En France, les exilés russes se plaignent d’un accueil restreint.
La Turquie reste une terre d’accueil
Le pays reste un soutien pour la Russie, et l’accueil de nombreux russes ne peut qu’aider une économie où l’inflation atteint 83,4%, le taux le plus élevé depuis 24 ans. Les touristes russes sont revenus sur les rives du Bosphore et le pays se présente comme un refuge. Mais en Europe, le soutien indéfectible à l’Ukraine reste primordial et limite un accueil humanitaire qui devrait être équilibré. En Allemagne, les groupes parlementaires des Verts et des libéraux militent dans ce sens : « Quiconque est aujourd’hui confronté à la mobilisation et ne veut pas faire partie d’une armée de criminels de guerre s’oppose au système de Poutine ». De même, le Président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a appelé les Russes à s’opposer à l’enrôlement et prendre la fuite.
Un débat existe malgré tout pour soutenir l’exode des Russes. Ainsi le journal espagnol El Pais considère que «Nous devons faire la distinction entre ceux qu’il faudra avoir à l’œil … et ceux qui sont prêts à s’engager dans la lutte contre la dictature du Kremlin. … Il faudrait donner à ces derniers les moyens de montrer leur patriotisme – en définissant le patriotisme russe comme l’opposition à Poutine. … Quand les Etats baltes veulent préserver leur propre sécurité en interdisant à tous les Russes, sans distinction, d’entrer sur leur territoire, ils agissent de manière illusoire et bornée. Dans le contexte actuel, leur sécurité ne peut être garantie qu’à un niveau mondial et européen. »