En quelques années, le Royaume-Uni a dilapidé ses réserves, se trouve isolé et humilié à cause de l'incompétence de ses dirigeant(e)s, se trouve face à une crise politique inédite qui signe la fin des Tories, qui perdront sûrement leur écrasante majorité au Parlement lors des prochaines élections anticipées.
Elle avait promis la stabilité et le retour de la croissance. 45 jours après sa nomination, la première ministre quitte ses fonctions après avoir provoqué un chaos politique et une crise financière internationale. On se rappellera de Liz Truss comme la dirigeante anglaise qui aura eu le plus court mandat de l’histoire. Car son arrivée au 10, Downing Street, le 6 septembre dernier, a été marquée par une suite d’erreurs majeures, alimentées par l’exemple désormais dépassé d’une autre Dame de fer, Margaret Thatcher.
Tout d’abord, une longue absence après la décès de la reine Elizabeth, le 9 septembre. Pendant une semaine, alors que le pays est en deuil, personne ne sait où elle est. Elle attendra le 23 septembre pour présenter un « mini-budget » qui effare tout de suite l’opinion publique et les marchés : réduction des impôts pour les plus riches et les sociétés, alors que le pays est frappé par une inflation sans précédent, mesures de soutien colossales pour les ménages britanniques, sans budget garanti. La Livre chute instantanément, atteignant son plus bas niveau face au dollar. La Banque d’Angleterre doit intervenir, à contre-coeur, les condamnations médiatiques et politiques sont unanimes. Le Fonds monétaire international (FMI) alerte, le Président américain Joe Biden aussi.
Le 14 octobre, c’est le basculement. Liz Truss limoge son ministre des Finances Kwasi Kwarteng, remplacé par Jeremy Hunt, qui abandonne aussitôt presque toutes les mesures du mini-budget. Suivent d’autres démissions et une tentative de vote de confiance au Parlement sur la question du fracking (ou fracturation hydraulique, sujet symbolique dans le pays), qui provoque des incidents au sein de l’institution parlementaire.
Mauvaise vision politique
« On peut dire qu’elle a fait n’importe quoi, sans prendre en compte le contexte économique » résume Clémence Fourton, maîtresse de conférence en études anglophones à Sciences-Po Lille. Le programme néo-libéral de Liz Truss est le résultat d’une fascination dépassée pour Margaret Thatcher, qui ne cesse d’être présentée par les Conservateurs comme l’exemple à suivre, alors que l’époque est très différente. Mais le déclin économique du Royaume-Uni est surtout la conséquence d’années d’isolement après le Brexit. « Cette crise économique, complètement auto-infligée, est aussi liée au fait qu’elle a refusé d’écouter les conseils des institutions, comme le Bureau pour la responsabilité budgétaire qui jugeaient ses propositions dangereuses », ajoute Will Jennings, professeur associé en sciences politiques à l’université de Southampton.
Les Tories sont désormais divisés et se déchireront probablement jusqu’aux prochaines élections, face à un parti travailliste qui mène de près de 33 points dans tous les sondages. « Le parti règne depuis trop longtemps, il est perdu et fait des erreurs, il n’a plus d’idées, juge Rainbow Murray. La même chose était arrivée aux Travaillistes après la mandature de Tony Blair. Les conservateurs sont à la fin de leur règne. »