La victoire de Lula da Silva au Brésil est un soulagement pour la communauté internationale, même si la suite des élections reste complexe au niveau national, le pays étant plus que jamais divisé. Les relations avec l'Europe devraient bénéficier d'un nouvel élan.
Lula da Silva a gagné les élections présidentielles au Brésil, mais les manifestations de rue de la part de ses opposants, et les blocages de route, laissent redouter une transition difficile, sinon impossible. Les rumeurs de coup d’Etat sont nombreuses, la police semblant toujours soutenir Jair Bolsonaro, qui n’a toujours pas reconnu officiellement sa défaite. Sur le continent latino-américain, les soutiens sont nombreux de la part des pays voisins, et l’Europe a aussi salué cette victoire politique. De fait, les relations entre le Vieux continent et le Brésil devraient bénéficier d’un nouvel élan, et la présidente de l’Union européenne, Ursula Von Der Leyen a déjà identifié trois grands thèmes de collaboration : la sécurité alimentaire, le commerce et le changement climatique. Selon Emily Rees, du centre européen d’économie politique internationale (ECIPE) : » Il ne fait aucun doute que l’élection du syndicaliste de 77 ans à la tête du Brésil donnera une impulsion aux relations entre l’Union européenne et le Brésil, qui ont été ternies ces dernières années ».
Le bilan de la politique internationale de Jair Bolsonaro étant très léger, à part son soutien à Israël et à Donald Trump, plusieurs années ont été perdues au niveau diplomatique, et le Brésil s’est surtout concentré sur ses questions intérieures. L’Europe espère finaliser la ratification de l’accord de libre-échange UE – Mercosur, qui date déjà de 2019 et qui concerne l’Argentine, le Paraguay, le Brésil et l’Uruguay. Cet accord, qui doit être en partie modifié, n’est toujours pas signé par les gouvernements européens, car il est à double tranchant. La production agricole de ces pays pourrait grandement affecter l’équilibre européen, surtout depuis le conflit en Ukraine qui a déstabilisé le cours des matières premières. » La Commission européenne a négocié un instrument parallèle sur l’environnement et le climat. Cela devrait être un élément plus facile en matière de négociations, à partir de maintenant. Mais Brasilia devrait chercher à ajouter des outils de son propre cru, notamment dans le domaine de la propriété intellectuelle et des marchés publics », ajoute Emily Rees. Or, pour l’instant, les écologistes s’avèrent très critiques face aux incertitudes de Mercosur.
Mettre un fin à la déforestation, mais est-ce possible?
L’Europe cherchera à aider Lula da Silva sur le sujet de la protection de la forêt amazonienne. Ces dernières années ont vu une grande partie de la forêt primaire brûler, une superficie équivalente à la Suisse. Or, les régions les plus concernées sont clairement pro-Bolsonaro, qui a permis à la population et aux agriculteurs de s’installer toujours plus à l’intérieur de l’Amazonie. Le groupe Bancada ruralista, qui rassemble les acteurs du monde rural, reste puissant. Les grands groupes agro-alimentaires y sont aussi présents, et leur influence ne sera pas réduite facilement. Au mieux, l’espoir des électeurs de Lula et de l’Europe serait de voir un coup d’arrêt de cette déforestation sauvage. « Ce qui est important, avant tout, c’est que Lula et son équipe restaurent les lois de protection de l’environnement au Brésil et, en particulier, renforcent toutes les institutions qui sont importantes pour l’application de la protection des forêts, car sous Bolsonaro, la politique forestière était un désastre » selon Anna Cavazzini, députée européenne du groupe Verts / ALE.
Dans son discours de victoire, Lula da Silva a tout de suite abordé le sujet : « Le Brésil et la planète ont besoin d’une Amazonie en vie ». « Il suffit que Lula reprenne ce qu’il avait mené pendant les huit ans où il a été au pouvoir », de 2003 à 2011, explique Hervé Théry, géographe directeur de recherche au CNRS, spécialiste du Brésil et professeur à l’Université de São Paulo. L’ancien président était alors parvenu à « passer de 30.000 km² défrichés par an à 5000 », grâce à un contrôle renforcé des tentatives de déforestation par des amendes. Depuis, ce chiffre avait à nouveau flambé à 15.000 km² par an. « La déforestation va sûrement s’accélérer cette année encore, les défricheurs profitant du peu de temps qu’il leur reste pour le faire, mais c’est ensuite que les chiffres devraient retomber », poursuit le géographe.
L’important, pour l’instant, est de sortir le brésil de son statut de « paria ». Déjà, la Norvège a annoncé reprendre son aide financière massive pour protéger l’Amazonie de la déforestation, après avoir gelé ses aides sous la présidence précédente.