Le nombre de migrants qui tentent la traversée de la Manche ne cesse de progresser, ce qui accentue les tensions entre Paris et Londres, mais aussi montre les difficultés du gouvernement britannique pour contrôler ce flux depuis le Brexit.
Selon le ministère britannique de la Défense, le nombre de migrants ayant traversé la Manche a dépassé la barre des 40.000, un nouveau record, alors qu’ils étaient 28.526 l’année dernière. Sur la seule journée de samedi, ils étaient 972, traversant la frontière sur des embarcations de fortune. Depuis 2014, au moins 203 personnes ont péri, en mer ou sur terre et fin 2021, 27 personnes ont perdu la vie en une journée seulement dans un naufrage. C’est le pire drame enregistré dans la Manche.
Le sujet est un des nombreux qui rendent les relations exécrables entre Paris et Londres, les deux Etats se renvoyant la responsabilité des décès. Au Royaume-Uni, des récentes révélations ont fait polémique quand on a découvert de nombreuses pathologies dans les centres d’accueil du pays, comme la diphtérie. Si la population reste majoritairement favorable à l’accueil des migrants, la ministre de l’Intérieur Suella Braveman en a fait un des axes de sa politique, tout comme Gérard Darmanin en France. Les gouvernements conservateurs successifs ont tout envisagé, renonçant à certaines idées illégales ou irréalisables comme repousser les bateaux hors des eaux britanniques avec des vagues artificielles, enfermer les migrants sur des paquebots au large ou les envoyer sur des îles éloignées. Le dernier projet en date, annoncé sous Boris Johnson, prévoit d’envoyer des demandeurs d’asile au Rwanda mais ce plan est au point mort.
Nouvel accord
Annoncé par Londres avant ce weekend, un nouvel accord a été signé ce jour à Paris pour un meilleur contrôle de la traversée de la Manche. Les migrants ont progressivement délaissé l’espoir de traverser la frontière dans les camions de fret, depuis que leur accès n’est pus à leur portée. Ils se concentrent sur des bateaux pneumatiques et sont surtout Albanais, Syriens ou Irakiens. Cet accord, qui s’inscrit dans le cadre du traité de Sandhurst, signé en janvier 2018 entre les deux pays, prévoit en particulier que les Britanniques versent 72,2 millions d’euros en 2022-2023 à la France. En contrepartie, cette dernière augmentera de 40 % ses forces de sécurité (350 policiers et gendarmes supplémentaires, dont des réservistes) sur ses plages. Des ressources « technologiques et humaines », dont des drones, seront utilisées pour détecter, surveiller et intercepter les bateaux.
Pour la première fois, des équipes d’observateurs seront déployées de part et d’autre de la Manche afin « de renforcer la compréhension commune » entre les deux pays, « améliorer le déroulement des débriefings des migrants » et « accroître les échanges d’informations ». Le but est aussi de collecter plus de renseignement auprès des migrants interceptés sur les réseaux de passeurs. Des centres d’accueil pour migrants seront créés dans le sud de la France pour dissuader les exilés qui viennent de Méditerranée de remonter jusqu’à Calais. Le gouvernement français déclare déjà consacrer 255 millions d’euros à la sécurisation du littoral.