Depuis la dernière migration de masse en 2015, l'Union européenne peine à s'accorder sur une politique migratoire et le nouveau pacte sur l'immigration et l'asile reste difficile à atteindre, tant les positions se sont radicalisées.
Il ya 8 ans, l’Europe faisait face à une arrivée massive de réfugiés provenant de Syrie, provoquant déjà plusieurs conflits politiques aux frontières de certains Etats. Si l’Allemagne est parvenue, en un temps record, à absorber un million d’entre eux, 2022 a vu le nombre de migrants progresser à nouveau. Mais plusieurs pays voisins ne veulent plus de cette immigration et, depuis, de nombreuses barrières ont été construites sur le chemin des réfugiés. Les séismes récents en Turquie et en Syrie devraient en outre aggraver la situation. Et l’invasion de l’Ukraine par la Russie a renforcé cette crainte migratoire.
L’atmosphère s’est radicalisée. L’Autriche demande des fonds supplémentaires à l’UE pour construire une barrière entre la Bulgarie et la Turquie. De son côté, l’Italie s’oppose aux secours en mer Méditerranée par les ONG. Enfin, les élections italiennes et suédoises l’année dernière ont amené au pouvoir des partis au discours anti-immigration. En France aussi, la situation n’est pas résolue sur la Manche et vers le Royaume-Uni. Résultat, l’Europe semble être revenue à l’époque du rideau de fer. En 2022, douze pays de l’UE ont construit des clôtures sur une ou plusieurs sections de leurs frontières.
Réunis cette semaine, les 27 tentent de s’entendre sur un nouveau pacte sur la migration et l’asile. Le texte prévoit des renvois obligatoires vers d’autres Etats membres des demandeurs d’asile arrivés en Italie et en Grèce. Mais cette idée est une ligne rouge pour les capitales d’Europe centrale.
Point de bascule
Les entrées illégales dans l’Union européenne ont augmenté de 77% depuis le début de l’année 2022 par rapport à l’année précédente. La douceur du climat a favorisé ces migrations, le froid étant arrivé tardivement sur le continent. Ce sont environ 280.000 personnes qui sont entrées par voie terrestre, ou maritime, depuis le début de l’année, avec une forte concentration dans les Balkans occidentaux, où plus de 128.000 franchissements de frontières ont été comptabilisés, au plus haut depuis le pic de la crise migratoire en 2015/2016. La Commission européenne est préoccupée par le fait qu’en 2022, il y a eu 924.000 demandes d’asile, soit 50 % de plus qu’en 2021. Les pays où les demandes sont les plus nombreuses sont la France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Autriche.
Depuis, la principale force politique en Europe, le Parti populaire européen (PPE), change aussi de ligne. Pour le dirigeant des chrétiens-démocrates, Manfred Weber, l’Union s’engage dans une crise majeure. Il estime que les clôtures aux frontières ne devraient plus être taboues et appelle donc les institutions à débloquer des moyens financiers. « Soyons réalistes, à Ceuta et Melilla, nous les voyons depuis des décennies à la frontière afro-espagnole. Nous les avons à la frontière gréco-turque, à la frontière bulgaro-turque », explique-t-il.
Mais le symbole de ces barrières reste trop fort pour plusieurs pays. « Je suis une députée européenne d’Allemagne de l’est. J’ai vécu toute ma jeunesse derrière un mur, derrière des clôtures. Si nous commençons à financer des clôtures par l’UE, ce n’est pas seulement du déjà vu pour moi, mais aussi un retour en arrière pour l’Europe que nous ne voulons pas », explique Cornelia Ernst (GUE). Après tout, l’Europe divisée a néanmoins réussi à accueillir SEPT millions d’Ukrainiens et à créer rapidement un système de « protection temporaire » pour près de 5 millions de personnes (4.751.065). Une leçon importante à retenir pour un bloc confronté à une crise migratoire qui n’est pas prêt de s’achever, compte tenu de la tournure que prennent les combats.