Il y a trois ans, la pandémie mondiale de Covid-19 mettait à rude épreuve le système de santé français : hôpitaux sous pression, explosion des coûts, pénurie de personnels… Mais qu’en est-il ailleurs en Europe ? Quels sont les autres pays en crise et surtout, ceux qui s’en sortent mieux ?
« Quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console » : la maxime de Talleyrand s’est imposée comme un mantra dans les éléments de langages gouvernementaux français depuis quelques années. Car si le système de soins français connaît une crise structurelle, il demeure, il vrai, souvent mieux préservé que certains de nos voisins européens.
Au sud de l’Europe, comme en Espagne, en Italie ou au Portugal, les dépenses de santé ont littéralement explosé depuis 2019 : alors qu’elles représentaient 9,5% du PIB au Portugal en 2019, elles représentent désormais 11% du produit intérieur brut. Même dynamique chez le voisin espagnol (de 9% à 10,7%) et en Italie (de 8,7% à 9,5%).
Une augmentation des coûts qui peine pourtant à pallier aux problèmes structurels rencontrés par le monde de la santé : bureaucratisation de l’hôpital, pénurie de personnels, déserts médicaux… L’été dernier, le gouvernement portugais a même dû organiser la fermeture temporaire de dizaines de maternités dans tout le pays, faute de sages-femmes disponibles.
Des pénuries provoquées, comme en France, par des salaires trop faibles au regard des sacrifices réclamés. Mais pourtant, au Portugal, comme en France, en Espagne ou en Italie, les dépenses publiques n’ont eu de cesse d’augmenter les budgets alloués à la santé.
Un paradoxe qui trouve son expression archétypale au Royaume-Uni, où le « National Health Service » vit un véritable acharnement thérapeutique depuis plusieurs années : des ambulances aux hôpitaux, des médecins de villes aux spécialistes, c’est tout le système de soins britannique, qui faisait sa fierté après-guerre, qui vit depuis plusieurs années une longue agonie. Alors que son budget – financé intégralement par l’argent public – a quasiment quadruplé depuis les années 1980, conservateurs et travaillistes n’ont jamais réussi à moderniser et à réformer un système bureaucratique tentaculaire qui s’est imposé comme le problème numéro un des gouvernements britanniques. Un tonneau des Danaïdes à la dérive.
Les exemples suisses et bataves
Une crise structurelle, dont on peut tirer un premier enseignement : Londres, Paris, Madrid, Lisbonne ou Rome se caractérisent tous – à des degrés différents – par un système de santé largement préempté par la puissance publique. En effet, le régime britannique est exclusivement financé par l’État et les mutuelles jouent un rôle minime en Italie et au Portugal. En France et dans une moindre mesure, en Espagne, la sécurité sociale gère aussi une grande partie des dépenses de santé, modulées à la marge par les complémentaires santé.
Un équilibre qui pourrait d’ailleurs être bousculé dans l’hexagone, le ministère de la Santé privilégiant, dans le dernier rapport du Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie, un scénario élargissant le panier de soins pris en charge par l’Assurance Maladie Obligatoire. Une choix qui pourrait réduire d’environ 70% le champ d’action des mutuelles. Et dans le même esprit, le nouveau ministre de la Santé François Braun aurait envisagé – dans le cadre des négociation conventionnelle entre l’assurance maladie et les médecins – de réduire le champ des remboursements des mutuelles en les évinçant du paiement du ticket modérateur. Une réforme qui rapprocherait le modèle français d’une « grande sécu », comme outre-Manche.
Une dynamique inverse de celle observée en Suisse ou aux Pays-Bas, où le poids du secteur privé demeure important dans le système de soin : le modèle hollandais, souvent cité comme le plus efficace d’Europe, est fondé sur un système d’assurance privée obligatoire, qui couvre la totalité de la population. Les assureurs sont obligés d’accepter tous les clients, quelle que soit leur condition de santé, et ne peuvent pas pratiquer de tarification en fonction de l’état de santé de leurs clients. Les assureurs sont autorisés à pratiquer une tarification en fonction de l’âge de leurs clients, plafonnée par la loi.
Le secteur privé est fortement présent dans le système de santé hollandais : les hôpitaux sont souvent gérés par des fondations privées mais le remboursement des soins est en général de 100%, même pour les soins hospitaliers.
Le système de santé suisse est également souvent considéré comme un modèle d’efficacité, avec un mode de fonctionnement similaire, basé sur l’obligation d’avoir une assurance santé, que ce soit auprès d’un assureur public ou privé. Là aussi, les assureurs ne peuvent pas refuser les clients, quelle que soit leur condition de santé et ils sont autorisés à pratiquer des tarifs différents en fonction de l’âge des clients. Mais comme aux Pays-Bas, c’est encadré et plafonné.
Les citoyens y sont donc en grande partie responsables de leur propre assurance santé. Et force est d’avouer que ces deux pays rencontrent nettement moins de difficultés que les autres pays européens. La Suisse peut même se targuer d’être le pays qui a la plus forte densité de personnel soignant : 18 infirmières pour 1000 habitants, contre 8,8 dans la moyenne de l’OCDE (et 11 en France). Avec moins de bureaucratie, moins de gaspillage, le système de soin d’avère plus rentable et plus efficace, tout en encadrant strictement le marché des complémentaires privées. Un modèle pour la France ?