L'Allemagne vient de mettre un terme avec ses trois derniers réacteurs tandis que la France, avec ses 56 réacteurs, peine à produire de l'électricité. Les deux puissances européennes sont divisées sur la marche à suivre pour répondre à la crise énergétique.
Fidèle à ses engagements, l’Allemagne clôt sa période nucléaire. La centrale de Bade-Wurtenberg, le complexe bavarois d’Isar 2 et celui d’Emsland viennent de cesser leurs activités le 15 avril. La première économie européenne met en œuvre la décision de sortir du nucléaire prise en 2002, et accélérée par Angela Merkel en 2011, après la catastrophe de Fukushima. Fukushima a montré que « même dans un pays de haute technologie comme le Japon, les risques liés à l’énergie nucléaire ne peuvent être maîtrisés à 100 % », justifiait l’ex-chancelière à l’époque. L’annonce avait convaincu l’opinion dans un pays où le puissant mouvement anti-nucléaire s’est d’abord nourri des craintes d’un conflit lié à la guerre froide, puis des accidents comme Tchernobyl.
A la pointe de la lutte anti-nucléaire, le mouvement Greenpeace a organisé au pied de la porte de Brandebourg à Berlin une célébration d’adieu. « Enfin, l’énergie nucléaire appartient à l’histoire! faisons de ce 15 avril une journée mémorable », a proclamé l’ONG. Seize réacteurs ont été fermés depuis 2003. Les trois dernières centrales ont fourni 6% de l’énergie produite dans le pays l’an dernier, alors que le nucléaire représentait 30,8% en 1997. Entretemps, la part des renouvelables dans le mix de production a atteint 46% en 2022, contre moins de 25% dix ans plus tôt.
La France, championne du nucléaire, mais en crise
Le président Emmanuel Macron est un hardent défenseur du nucléaire et poursuit une politique à l’opposé de celle de l’Allemagne, un des nombreux sujets où les deux pays ne sont plus en phase. Le gouvernement souhaite construire six réacteurs de nouvelle génération EPR (les EPR2), avec une option pour huit autres, alors que le seul EPR en construction en France cumule désormais un retard de 12 ans par rapport à sa mise en service initial et son coût a été multiplié par quatre. De plus, le filière accuse de nombreux problèmes liés à l’entretien des centrales existentes. De nouvelles fissures « non négligeables » ont été signalées sur les centrales de Penly et Cattenom, quelques jours après la découverte d’une fissure profonde dans le réacteur de Penly1.
« C’est le signe qu’il y a un problème avec la filière » nucléaire, estime le député Europe Ecologie-Les Verts (EELV) de Paris Julien Bayou. « Réfléchissons un peu », suggère-t-il, alors qu' »aujourd’hui vous avez un projet de loi qui vise à accélérer et accélérer encore la construction de nouveaux réacteurs ». « On nous dit : on va faire 14 centrales nucléaires pour dans 20 ans, à partir d’un modèle qui ne fonctionne pas encore », explique Julien Bayou, qui alerte sur les retards de l’EPR de Flamanville, dans la Manche. « Vous savez qu’aujourd’hui, la plupart des centrales sont à côté de fleuves dont le débit baisse ». « Le débit du Rhône est inquiétant et on nous propose d’en mettre deux ou plus (des centrales nucléaires) ».
Plus au nord, en Finlande, après 13 années de retard, un réacteur nucléaire EPR, Olkiluoto 3, de conception franco-allemande, a été mis en service dimanche 16 avril afin d’y couvrir un tiers des besoins en électricité, a annoncé son exploitant, le groupe TVO.