Le ministre de l'intérieur Gérard Darmanin joue la surenchère sur l'immigration en Méditerranée, après avoir heurté le gouvernement britannique sur le même sujet l'année dernière.
Sur l’immigration, leurs idées sont pourtant proches. Mais le ministre de l’Intérieur Gérard Darmanin a irrité le gouvernement d’extrême droite de Giorgia Meloni en l’accusant d’être incapable de contrôler la crise migratoire en mer Méditerranée. « Oui, il y a un afflux de personnes migrantes et notamment de mineurs » dans le sud de la France, a reconnu le ministre français, mais d’en rejeter la faute sur Rome : « La vérité, c’est qu’il y a en Tunisie (…) une situation politique qui fait que beaucoup d’enfants notamment remontent par l’Italie et que l’Italie est incapable (…) de gérer cette pression migratoire ». « Meloni, c’est comme Le Pen, elle se fait élire sur « vous allez voir ce que vous allez voir » et puis ce qu’on voit c’est que ça (l’immigration) ne s’arrête pas et que ça s’amplifie », a poursuivi le ministre français.
Résultat : le chef de la diplomatie italienne, qui était attendu jeudi soir à Paris pour une rencontre avec son homologue Catherine Colonna, a aussitôt annulé sa venue. Vendredi, il a réclamé des excuses à la France. « C’est une insulte gratuite et vulgaire adressée à un pays ami, allié » et « quand quelqu’un offense de façon gratuite une autre personne le minimum est qu’elle présente ses excuses », a estimé Antonio Tajani dans un entretien au quotidien Il Corriere della Sera. « Il s’agit d’une attaque à froid, un coup de poignard dans le dos de la part d’un membre de premier plan du gouvernement français. Il y a des choses qu’on ne peut ignorer. Le reste de l’exécutif de Macron cependant ne pense certainement pas comme Darmanin », a insisté M. Tajani.
Le Quai d’Orsay a tout de suite essayé de calmer le jeu : « Le gouvernement français souhaite travailler avec l’Italie pour faire face au défi commun que représente la hausse rapide des flux migratoires », avait indiqué plus tôt le ministère français des Affaires étrangères dans la foulée des propos de M. Darmanin. La relation bilatérale est « fondée sur le respect mutuel, entre nos deux pays et entre leurs dirigeants », a également souligné le Quai d’Orsay.
Des oppositions qui rappellent les disputes autour de l’immigration vers la Grande- Bretagne
On se rappelle des menaces de part et d’autre du Channel sur le même sujet, qui ont fini par aboutir d’un accord entre Paris et Londres. De même, en novembre dernier, Paris et Rome s’étaient opposés lorsque le gouvernement Meloni, à peine au pouvoir, avait refusé de laisser accoster un navire humanitaire de l’ONG SOS Méditerranée qui avait fini par être accueilli par la France à Toulon (sud) avec plus de 200 migrants à bord.
L’Italie insiste sur le fait que les mouvements migratoires en Méditerranée concernent tous les pays de la région et qu’elle ne peut pas assumer l’intégralité de ce poids. Ces derniers jours, avec une pleine lune et une mer calme, de nombreux bateaux ont tenté la traversée avec un total de 200 personnes disparues. Selon le ministère italien de l’Intérieur, plus de 42 000 personnes sont arrivées par la Méditerranée en Italie cette année contre environ 11 000 sur la même période en 2022. Selon l’Organisation internationale pour les migrations des Nations unies, le premier trimestre de 2023 a été le plus meurtrier pour les migrants en Méditerranée depuis 2017.