La France va-t-elle bientôt pénaliser les clients des prostituées, comme le font la Suède, la Norvège et l'Islande? Les députés doivent voter mardi 6 décembre une résolution pour réaffirmer la position abolitionniste de la France. D'autres pays européens, comme l'Allemagne et les Pays-Bas, autorisent la prostitution tout en la réglementant. Tour d'horizon des législations, et des pratiques, nationales.
Les pays qui l'interdisent
- Le modèle suédois
La Suède a été le premier pays à interdire la prostitution dans la loi Kvinnofrid. Votée par le Parlement suédois dès 1998, et entrée en application le 1er janvier 1999, cette loi contre les violences aux femmes a introduit la criminalisation des clients des prostituées. Le gouvernement avait déclaré:
Nous considérons que la prostitution nuit sérieusement aux individus et à la société dans son ensemble".
Lors d'une convention organisée par le collectif Abolition 2012 le 29 novembre dernier, l'avocate féministe suédoise Gunilla Ekberg mettait en avant la baisse des hommes ayant recours à la prostitution. En une décennie, la proportion des hommes ayant "acheté quelqu'un" est passée de 13,8% à 7,8%.
Des résultats positifs mis en avant par les associations qui défendent l'abolition de la prostitution, comme le Mouvement du Nid, à l'origine du collectif Abolition 2012 avec une quarantaine d'autres associations. Pour plus d'information sur le modèle suédois, lire l'éclairage de notre correspondant à Stockholm.
La Norvège et l’Islande ont ensuite emboité le pas à leur voisine scandinave en 2009. Dans ces pays, l’acte d’acheter un service sexuel est donc illégal, passible de peines de prison et d’amendes.
Les pays qui l'autorisent et la réglemente
- L'Allemagne
La prostitution et la fréquentation de prostituées sont légales en Allemagne. Les prostituées cotisent aux impôts en tant que travailleur du sexe, et Artémis, le plus gros bordel à côté du stade olympique de la capitale, utilise les bus de la ville comme surface d'affichage. Il y a de nombreux types de bordels à Berlin, depuis les "traditionnels" de Charlottenburg, on peut trouver toute une gamme allant du luxe jusqu'au glauque. Plus original, des modèles comme le bordel "flat", où le client paye, non pas la consommation, mais au temps passé à l'intérieur…
- La Grèce
La législation de l'Etat grec moderne reconnait la prostitution comme un métier à part entière. Selon le droit grec, la prostitution "prestation du corps à but de copulation" ne constitue pas un délit, à condition qu'elle s'exerce conformément à la législation en vigueur. L'installation d’une prostituée ou l'ouverture d'une maison close est placée sous la responsabilité de l'autorité municipale ou portuaire, avec obligation légale d’un suivi régulier de la santé de la prostituée par des médecins de la santé publique. La promotion de la prostitution, le proxénétisme, est illégale, de même que la prostitution masculine. Aucune législation ne concerne les clients.
Mais la réalité est tout autre. Une augmentation exponentielle de la prostitution illégale s’est faite ces dernières années, avec deux phénomènes concomitants : la chute du communisme et l’émigration clandestine. En 20 ans, de 1990 à 2010, plus de 200 000 jeunes femmes étrangères ont été la proie des trafiquants.
Ces jeunes femmes, souvent mineures, dont le prix d’achat dans les Balkans est de 600 dollars américains, subissent en moyenne de 30 à 100 contacts sexuels par jour. Il y a vingt ans, le nombre de personnes prostituées d’origine grecque était d'environ 3 400. Aujourd’hui, leur nombre reste plus ou moins le même, mais le nombre de prostituées d’origine étrangère a été multiplié par vingt et plus. Les revenus de la prostitution en Grèce sont évalués à 10 milliards de dollars américains par an, faisant de la Grèce la charnière du trafic humain en Europe.
Cerise sur le gâteau : les jeux olympiques d’Athènes 2004 ont favorisé cette explosion péripaticienne. Aux 600 maisons de tolérance existantes à Athènes, plus de 230 supplémentaires ont été autorisées en 2003 par la municipalité d’Athènes et la prostitution clandestine est devenue monnaie courante.
Les pays qui l'autorisent, sans réglementation
- La Belgique
Avant 1948, la prostitution était totalement réglementée. Aujourd'hui, racolage et proxénétisme sont illégaux en Belgique, mais la prostitution y est autorisée. Dans les faits, c'est plus une norme que quelque chose de réellement appliqué. C'est finalement assez flou car d'un point de vue juridique, un homme marié avec une prostituée pourrait être poursuivit s'il jouit des revenus de sa conjointe.
Récemment, la DH, journal belge francophone, a fait un TOP 5 des meilleures adresses pour trouver des prostituées à Bruxelles. Scandale ! L'article a été retiré et le rédacteur chef adjoint a du démissionner.
- Le Royaume-Uni
Le Policing and Crime Act voté en 2010 punit d'une amende de 1 000 livres l'achat de tout acte sexuel à des personnes prostituées "sous la contrainte" ou "sous le contrôle d'un proxénète". Les Britanniques ne s'arrêtent pas là puisque les noms des hommes pris à s'adonner au sexe tarrifé peuvent être publié dans les journaux. Un double effet disuasif sur lequel compte le gouvernement.
- L'Italie
En Italie la prostitution en tant que telle n’est pas illégale, mais la loi interdit cependant la prostitution organisée ou le proxénétisme. En 2008, le gouvernement a approuvé une proposition de loi pour interdire la prostitution dans les rues mais la loi n’a jamais été votée.
Concernant la prostitution des mineures, elle est bien évidemment interdite et le président du Conseil Silvio Berlusconi devrait en faire les frais: c’est le principal chef d’inculpation du procès qui commence pour lui le 7 avril !
- L'Irlande
La prostitution n'est pas illégale en Irlande, mais le racolage, le proxénétisme et les bordels sont interdits. Le racolage se fait surtout sur Internet, et il existe beaucoup de bordels "secrets". Avant les dernières élections, le gouvernement voulait réformer le statut de la prostitution sur le modèle suédois, et donc en criminalisant les clients, et non les prostituées. Cette proposition avait reçu le soutien des partis d'opposition aujourd'hui au pouvoir, mais pas de nouvelles pour l'instant.
Criminaliser les clients, apparaissait pour l'ancien ministre de la justice, comme un bon moyen d'arrêter "d'alimenter le réseaux", mais aussi de réduire les violences physiques et les viols sur les prostituées, en nette progression selon le rapport annuel 2010 de l'association irlandaise Ruhama, qui accompagne ces femmes.
- Le Portugal
Il n’existe pas de loi spécifique encadrant la prostitution au Portugal. Il n’y a donc pas formellement d'interdiction, mais pas non plus de règle précise. En revanche, le code pénal reconnait plusieurs crimes liés à cette activité: le trafic d’êtres humains – passible de 2 à 8 ans de prison – le proxénétisme (6 mois à 5 ans de prison) et la prostitution infantine.
En 1962, les maisons closes, où jusqu’alors s’exerçait la prostitution, ont été interdites, et les péripatéticiennes ont investi la rue. Mais le décret loi a été révoqué en 1982, sans toutefois donner un cadre précis à l’activité. C’est sous l’influence des conventions internationales que le Portugal a renforcé le code pénal en matière de protection.
Depuis 2000, avec l’arrivée d’une vague importante d’immigrés, la prostitution s’est développée. Des chiffres font état de près de 30 000 prostitué(e)s sur le territoire, dont la moitié seraient étrangères (Brésil, Roumanie, Bulgarie, Niger). Ces dernières années de nombreux cas de trafic humains, liés notamment à la prostitution brésilienne, ont été révélés au grand public, et des réseaux mafieux démantelés.
- L'Espagne
Exercer la prostitution et en être client ne sont pas des délits aux yeux de la loi espagnole. En revanche, tout rapport à la prostitution de mineurs ou de personnes handicapées un délit puni de peines de prison. Les maisons closes pullulent, et la plus grande d'Europe a d'ailleurs ouvert ses portes à Gérone cet automne. Idéal pour les Français qui vivent de l'autre côté de la frontière.
Par ailleurs, le grand débat en ce moment repose sur la possibilité pour les pouvoirs publics d'interdire les annonces dites "de contact" qui fleurissent en masse dans les grands quotidiens (El País, El Mundo, y compris les plus catholiques comme ABC) et qui ne sont ni plus ni moins que des annonces de prostitution, parfois de filles très, voire trop, jeunes. Les journaux ne veulent surtout pas se passer de cette manne alors que les revenus publicitaires sont en chute. Paradoxal, quand on voit le nombre d'articles important condamnant la "violence machiste".