Les organes d’information sont de plus en plus « encadrés » par le gouvernement en Hongrie et en Pologne. Mais à l’Ouest, de grands médias sont détenus majoritairement par de grands groupes industriels ou financiers. En particulier en France et en Italie.
Le récent rachat du groupe de presse « Polska » par le pétrolier d’Etat Orlen a confirmé les craintes d’une reprise en main des médias polonais par le pouvoir national-conservateur en place à Varsovie.
En matière de contrôle de l’information, la Pologne semble ainsi rejoindre la Hongrie qui occupe, selon le classement mondial de la liberté de la presse établi par l’ONG « Reporters sans frontières », la dernière place de l’Union.
Emprise politique à l’Est, économique à l’Ouest
Dans son palmarès 2020 de la liberté de la presse, « Reporters sans frontières » estime que 22 des 28 membres de l’UE sont dans une situation « bonne » ou « plutôt bonne ».
Et cette situation n’est jugée « problématique » que dans six pays, dont la Roumanie, la Pologne et surtout la Hongrie de Viktor Orban. Dans ces pays, les médias se trouvent sous la surveillance étroite du pouvoir politique car ils sont détenus par des oligarques proches du pouvoir.
Mais le rapport montre aussi que, dans certains pays de l’Ouest, la liberté de la presse serait plus grande si des médias importants n’était pas contrôlés par de grands groupes industriels. Car ces médias dépendent d’intérêts économiques et financiers susceptibles de peser sur leur ligne éditoriale.
France : 45% des médias sous contrôle…
Deux pays sont particulièrement concernés par le phénomène. A commencer par la France.
Arrivant seulement 19ème sur 28 dans le classement de « Reporters sans frontières », l’Hexagone est pointé du doigt en raison précisément de la détention capitalistique de ses médias.
Chiffre éclairant : les médias français sous le contrôle de groupes industriels ou financiers réalisent 45% du chiffre d’affaire global du secteur de l’information en France !
… dans l’audiovisuel mais aussi dans la presse écrite
Deux gros groupes audiovisuels français privés sont sous le contrôle d’industriels. Il s’agit d’une part du groupe Canal + (5 milliards d’euros de chiffre d’affaire annuel), filiale de Vivendi, désormais contrôlé par le groupe Bolloré de transport et de logistique.
Il y a d’autre part le groupe TF1 (2,2 milliards de CA) que détient Bouygues, la multinationale du BTP.
Et puis, dans la presse écrite, on trouve le groupe du Figaro (350 millions de CA), filiale du groupe Dassault engagé dans l’aéronautique, la défense ou encore l’informatique.
S’y ajoutent le groupe « Les Echos » (400 millions de CA), détenu par la multinationale du luxe LVMH ainsi que la société « Sebdo-Le Point » (65 millions de CA) détenue par Artemis, la société d’investissement de la famille Pinault. Et, bien qu’il se soit défait de ses activités aéronautiques ou d’armement, l’on pourrait encore évoquer le groupe Lagardère qui possède Europe 1, le JDD et Paris-Match.
Italie : Berlusconi et de Benedetti dominent
L’autre pays concerné, c’est l’Italie qui est encore plus mal classée que la France par « Reporters sans frontières ».
Dans la Péninsule, des grands journaux comme la Reppublica, la Stampa, L’Espresso, des radio, des stations télé… appartiennent au holding industriel CIR de la famille de Benedetti (composants automobile, santé…).
Quant à la Fininvest de Silvio Berlusconi, elle contrôle trois grandes chaines de télé, dont « Italia uno » et « Rete 4 ».
On aurait pu ajouter à cette liste le groupe Rizzoli – propriétaire du Corriere della Sera et aussi, en Espagne, d’El Mundo. Mais Fiat et Pirelli ont lâché l’affaire et c’est désormais un groupe média – Cairo communication – qui contrôle.
Mentionnons enfin le fait que le premier quotidien économique de la Péninsule, « il Sole 24 ore», est l’organe de la Confindustria, la confédération patronale.
Ailleurs, des groupes centrés sur la communication…
En Allemagne, il y a les géants Bertelsmann (RTL Group) ou Axel Springer (Bild, Die Welt…); au Royaume-Uni, les groupes Guardian, Daily Mail ou Telegraph voire News Corp, le groupe de l’Australien Ruppert Murdoch ; en Espagne les groupes Prisa (El Païs, Cinco Dias…) ou Prensa Iberica (grands régionaux).
Mais, dans ces pays, ces propriétaires de médias sont des groupes de communication dont le métier est d’informer, de faire lire ou, à la limite, de divertir.
… ce qui n’est pas la même chose
Cette différence est loin d’être neutre dans la mesure où l’objet d’un groupe de communication est de faire du profit en vendant de l’information et de la culture.
Mais quand le propriétaire d’un média vend essentiellement des avions, des systèmes informatiques, des autoroutes où des parfums, on peut craindre que les journalistes qu’il emploie ne soient obligé de prendre des gants dans les secteurs de l’information qui intéressent le principal actionnaire.
Les rédactions résistent en général aux pressions, mais pas toujours et les cas d’auto-censure sont fréquents.
D’autant que les grands industriels n’hésitent pas à se débarrasser, lorsque leurs intérêts n’y trouvent pas leur compte, d’un journal ou d’une radio dont la rentabilité est la plupart du temps modeste.