Le Royaume-Uni, qui discute actuellement avec Bruxelles les modalités de sa sortie de l'Union européenne, reçoit chaque année un grand nombre d'étudiants "Erasmus". La perspective du Brexit ne doit pas faire oublier la chance que représente ce programme d'échange, qui vient d'ailleurs de fêter ses trente ans d'existence.
A la rentrée de septembre, certains étudiants européens poursuivront un peu leurs vacances. Pourtant, ils auront bien repris les cours, retrouvé les amphithéâtres et les travaux dirigés, seront loin des plages de juillet et d’août. Ils déambuleront dans certaines capitales de l’Union européenne (UE), humant des airs inconnus et échangeant dans des langues qu’ils ne maitrisent parfois pas encore. Ils seront en colocation dans des appartements avec des jeunes Espagnols, Tchèques, Allemands, Grecs, Lituaniens, Français… Ces étudiants feront partie du programme Erasmus, qui a fêté ses trente ans au début du mois de juin.
Adopté en 1987, il a permis à ce jour à plus de quatre millions de jeunes Européens d’effectuer une partie de leurs études dans un autre établissement scolaire – entre trois mois et un an. Si le programme Erasmus était perçu au départ comme un moyen de découvrir de nouveaux horizons, il est considéré aujourd’hui comme un réel vecteur d’intégration européenne, si bien que son budget est passé de quelques dizaines de millions d’euros dans les années 1980 à plus de 14 milliards d’euros pour la période 2014-2020. Pour certains, il est l’une des plus grandes réussites de l’Europe, qui pourrait toutefois être mise à mal par le Brexit qui se profile.
Visa pour étudier en Grande-Bretagne
Impossible en effet de dire ce que le Royaume-Uni compte faire une fois qu’il sera sorti de l’UE – sans compter que les mécanismes de sortie eux-mêmes, en discussion à Bruxelles, ne sont toujours pas connus. Aujourd’hui, comme tous les Etats membres, Londres reçoit des fonds européens dans les domaines de la recherche et de la formation, autour desquels, également, de nombreuses coopérations inter-étatiques sont mises en place. Sur l’année scolaire 2014-2015, par exemple, les universités britanniques ont reçu un milliard d’euros pour la recherche, dont 115 millions ont atterri dans les caisses du programme Erasmus. Somme que le gouvernement devra réunir seul une fois le Royaume-Uni redevenu une île – ceci, toutefois, après les exercices 2017-2018 et 2018-2019, déjà garantis pour les échanges.
Reste à savoir si le pays conservera son attrait en tant que pays hôte – la qualité de son enseignement supérieur n’étant plus à démontrer. Car après le Brexit, les étudiants européens pourraient avoir à payer des overseas fees (frais de scolarité s’appliquant aux étrangers) en plus des frais de scolarité normaux, qui s’élèvent à quelque 18 000 livres sterling par an, soit presque le double de ceux versés par les étudiants britanniques. Outre la question financière, c’est la procédure de demande de visa qui pourrait rebuter les Européens à venir étudier au Royaume-Uni ; sans parler du « système européen de transfert de crédits d’enseignement » (ECTS), la reconnaissance des acquis scolaires entre Etats membres, qui devrait être revu.
Pour l’instant, le gouvernement britannique, qui sait le sujet sensible, n’a pas souhaité faire de déclaration à l’emporte-pièce. Après le référendum sur le Brexit, l’an dernier, le ministre des Sciences, Jo Johnson, s’était simplement contenté de confirmer la participation du Royaume-Uni au programme pour l’année qui vient de s’écouler. Chris Patten, ancien commissaire européen britannique, a rappelé quant à lui qu’ « à Oxford et dans les autres universités, six étudiants étrangers sur dix sont originaires d’Europe ». Selon lui, « s’ils devaient faire une demande de visa pour étudier en Grande-Bretagne, cela serait très dissuasif. »
Si la retenue est, semble-t-il, de mise côté britannique, on prend visiblement moins de pincettes du côté de l’UE pour évoquer le sujet. Lors de son allocution au Parlement européen à l’occasion du trentième anniversaire du programme, son président, Antonio Tajani, a tenu à rappeler que les échanges estudiantins au sein de l’Union primeraient sur les échanges avec les pays non-partenaires. Et que son avenir outre-Manche, en tout cas, dépendait des négociations sur le Brexit.