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La France peine à promouvoir l’emploi des seniors

mercredi, 18 décembre, 2019 - 11:18

Encouragée et populaire dans beaucoup de pays, la remise au travail des soixantenaires est considérée comme un recul social par l’opinion française. Elle semble pourtant favoriser l’allongement de la vie en bonne santé.

L’agitation sociale autour de la réforme des retraites s’est particulièrement focalisée, cette semaine, sur la question d’un âge « d’équilibre » de 64 ans pour liquider sa pension à taux plein.

Les opposants à ce nouveau recul du départ en retraite font valoir que les fins de carrière sont particulièrement problématiques pour les actifs de plus de 55 ans. Non seulement les entreprises se montrent très réticentes à embaucher des seniors réputés plus chers et moins productifs mais elles choisissent prioritairement de les pousser vers la sortie en cas de plan social.

Les seniors travaillent moins en France…

Selon Eurostat, le taux d’emploi des personnes de 55 à 64 ans, c’est à dire la proportion de celles qui occupent effectivement un emploi, atteignait 52% en France en 2018.

Ce taux est encore plus bas dans huit Etats de l’Union européenne situés à l’Est de l’Europe, mais aussi au Luxembourg et en Belgique.

Reste que les seniors de l’Hexagone travaillent nettement moins que ceux de la plupart de nos voisins ouest-européens. Le taux d’emploi des seniors n’est qu’un peu supérieur à celui de la France en Espagne et en Italie mais il dépasse les 65% au Royaume-Uni, en Finlande, aux Pays-Bas, il excède les 70% en Allemagne et au Danemark et il atteint même près de 79% en Suède !

Le décalage est encore plus fort si l’on considère le taux d’emplois de 60-64 ans. Il est par exemple de 56% aux Pays-Bas contre 31% en France.

… du fait d’âges de départ plus précoces

Ces écarts ont plusieurs causes. Dans la plupart des pays, il y a d’abord l’effet mécanique d’un âge légal de départ à la retraite plus tardif qu’en France puisque rarement inférieur à 65 ans.

D’ailleurs, l’augmentation de 60 à 62 ans de cet âge en France à partir de 2010 a eu pour effet d’augmenter l’emploi des seniors qui n’était que de 38% en 2008.

En outre, dans l’Hexagone, plusieurs millions de personnes bénéficient d’un âge de départ à la retraite anticipé, ce qui est plus rarement le cas ailleurs.

Beaucoup de mesures de maintien dans l’emploi en Europe

Mais il y aussi l’effet de politiques volontaristes mises en œuvre dans plusieurs pays pour favoriser le maintien dans l’emploi ou l’embauche des seniors.

Les Pays-Bas et la Scandinavie ont multiplié depuis plusieurs années des mesures favorisant l’adaptation des seniors au travail. Parmi celles-ci, l’aménagement du temps et des conditions de travail, l’ergonomie des lieux ou l’accès à des salles de remise en forme.

Certains Etats, comme le Royaume-Uni, ont aboli tout âge obligatoire de départ à la retraite ou accentué les bonifications de retraite après l’âge normal de départ.

L’Allemagne va même jusqu’à subventionner les bas salaires des seniors et verse aux entreprises des primes à leur recrutement. En Italie, en Espagne, en Belgique, il est prévu des baisses de charges sociales pour le maintien d’un senior dans l’emploi.

En France, il y a bien eu quelques mesures comme le CDD senior, une formation continue adaptée, certaines primes à l’embauche ou au maintien en activité.

Mais force est de constater l’efficacité toute relative de ces initiatives. De fait, le taux d’emploi des plus de 65 ans est en France de 2,4%, l’un des plus bas d’Europe. Ce taux dépasse 8% en Italie, 10% en Allemagne, 14% au Royaume-Uni et frise même les 22% en Suède !

Le mythe des seniors au chômage

Beaucoup argumentent que plus on retarde l’âge de la retraite, plus on augmente le chômage des seniors. Pourtant cette affirmation est démentie par les chiffres.

Dans tous les pays, le taux de chômage des 55-64 ans est inférieur au taux global. C’est également le cas en France où 6,7% des seniors en activité sont au chômage contre 8,8% pour l’ensemble de la population.

Il est vrai que ce taux a augmenté depuis le passage de l’âge de la retraite à 62 ans puisqu’il était auparavant d’environ 5%.

L’âge de départ effectif plus bas en France

Globalement donc, on ne peut contester que les seniors travaillent moins longtemps en France. En 2018, toutes catégories de retraités confondus, les Français prennent en moyenne leur a retraite à 60,8 ans.

C’est l’âge effectif de départ le plus précoce de toute l’Union européenne à la seule exception du petit Luxembourg. Chez nos voisins, l’âge effectif de départ dépasse 62 ans en Espagne, 63 en Italie, 64 en Allemagne et au Royaume-Uni, 65 aux Pays-Bas et il grimpe à plus de 66 ans en Suède.

Cette exception française est cependant moins criante si l’on ne considère que les seuls salariés du secteur privé qui partent en moyenne à près de 63 ans.

A signaler un phénomène inattendu : partir tôt à la retraite ne signifie pas vivre mieux plus longtemps.

Le travail c’est la santé ?

En comparaison des principaux pays de l’UE, la France est celui dont l’espérance de vie en bonne santé à 65 ans est la plus faible : un peu plus de 9 ans, contre plus de 10 aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, 11 en Allemagne et jusqu’à 15 ans en Suède, pays ou les gens travaillent de loin le plus longtemps !

Si la santé dépend de nombreux autres facteurs que le travail, on peut au moins constater que le maintien en activité, sauf bien sûr pour les emplois pénibles, n’apparaît nullement comme une cause d’altération de la santé. Et peut-être même favorise-t-il la longévité…

D’ailleurs, la perspective d’un allongement de la vie active est plutôt bien perçue au nord de l’Europe. Au vu des protestations sociales, c’est très loin d’être le cas en France !


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