Une petite PME espagnole produit le seul foie gras du monde à avoir un label bio. De Dubaï aux Etats-Unis, où la Maison Blanche en est cliente, on se l’arrache. Myeurop vous dévoile les secrets de ce producteur qui ne gave pas ses oies et chatouille la suprématie française.
Si l’on vous dit France et gastronomie, que vous vient donc à l’esprit? Vins, croissants, fromages, et … foie gras évidemment! La France en est le premier producteur mondial, et elle le vend partout. Cette suprématie culinaire tricolore est pourtant remise en cause: le meilleur foie gras bio n'est pas fabriqué dans Sud-Ouest de la France mais en Espagne, dans la région d’Estremadure, non loin de l’Andalousie !
Prix du meilleur foie gras à Paris
C'est là que se trouve le siège de La Pateria de Sousa. En plus d’afficher son étiquette bio, cette fermette espagnole a réussi l’exploit de gagner le Prix Coup de Coeur du meilleur foie-gras au Sial de Paris en 2006.
Nous allions au SIAL pour présenter nos pâtés. Ma famille m’avait alors conseillé de ne pas emmener de foie gras, mais moi, je voulais le faire découvrir”,
se souvient-il.
Autre fait d'armes, la petite PME -elle emploie 14 personnes- est parvenue a glisser son foie gras dans le menu des élégants dîners de la Maison Blanche, puisque le président Obama est l’un de ses clients.
Eduardo Sousa, PDG de l’entreprise, minimise son succès: sa pateria n'a rien inventé, la famille produisait déjà des pâtés en 1812, année de fondation de La "Patería de Sousa". Des pâtés ibériques (issus des cochons noirs élevés aux glands), aux fines herbes, aux trois poivres, à l’orange et au Pedro Ximenez, et, bien entendu, son foie d’oie.
Si le goût et la qualité de sa production sont reconnus, c’est aussi sa manière d’élever les animaux qui a fait mouche: dans l’explotation d’Eduardo, près de la bourgade de Pallarés, pas de cages ni de gavage.
Les oies, environ mille têtes, sont en liberté dans les champs. Elles se nourrissent, marchent, volent à leur rythme… Et intriguent! Unique, cette ferme attire en effet l’attention des producteurs français, intéressés par cette méthode d’élevage, comme celle des médias: Eduardo a reçu, entre autres, la visite de la chaine américaine CNN.
Soucieux du bien être animal
Des visites très bonnes pour les affaires d’Eduardo. De retour de sa ferme, le cuisiner américain Dan Barber déclarait avoir découvert le meilleur foie du monde en Espagne, ouvrant ainsi les portes de la Maison Blanche à La Patería de Sousa.
Le très modeste Eduardo explique:
J’insiste, nous n’avons rien inventé: dans le passé, les juifs installés dans la région produisaient du foie gras en profitant de la graisse naturelle des oies et canards, celle qui se forme dans leurs corps lorsqu’ils mangent beaucoup avant d’affronter leur longue migration".
La région d’Estrémadure se trouve dans le parcours des migrations entre l’Afrique et l’Europe des oiseaux.
Après l’été, l’oie commence à manger des glands, du maïs, …, pour affronter l’hiver. C’est ainsi que se produit la graisse de façon naturelle, nul besoin de maltraiter l’animal pour obtenir du foie gras."
Les animaux sont abattus dès que le froid arrive: ils sont capturés durant la nuit, à l’aide de lampes et dans le plus grand silence… Tout un ensemble de procédés qui ont permis à l’entreprise d’obtenir le premier label bio pour du foie gras du monde, et la bénédiction de la National Association of Ethical Food Producers (ANPAE), qui veille notamment sur le bien être animal.
Un an pour un foie de 500g
Evidement, les coûts de production n’ont rien à voir avec ceux d’une production industrielle. Pour obtenir un foie de 500 grammes, la Patería de Sousa a besoin d’un an d’efforts, quand l’élevage classique, avec gavage, obtient un foie d’environ 2 kilos en 15 jours…
L’environnement aussi, est bien différent. Les oiseaux s’ébattent en liberté, sur un terrain de jeu de 500 hectares. Ce temps et cette délicatesse ont un coût: plus de 70 euros les 150 grammes.
Ce foie gras espagnol, très rare sur le marché, l’est non seulement parce que sa production est limitée mais aussi parce que ses clients l’achètent bien avant qu’il soit prêt. La quantité disponible est variable, selon des aléas bien éloignés de ceux de la production industrielle.
En 2012, nous n’avons produit que 300 kg de foie, contre 500 kg en 2010. C’est la conséquence de problèmes importants rencontrés avec des oiseaux prédateurs… en fin de compte, nos oies sont en liberté."
La production de cette année est déjà presque intégralement vendue. Et pour cause. L’hôtel Burj Al Arab de Dubaï, un très gros client, a décidé d’inclure le foie espagnol dans sa carte.
Nous vendons beaucoup dans les pays arabes, car le prix élevé n’y est pas un problème."
Et en France? "Il arrive que le cuisinier Sergi Arola en prenne pour son restaurant de Paris", se réjouit Eduardo. "Par ailleurs, nous sommes en conversation avec une famille française, les Labourdette. Ils veulent acheter d’autres fermes en Estremadure pour reproduire notre élevage et utiliser le foie gras dans la grande cuisine".
Pour, à petits pas, s’imposer au pays où le foie gras est roi ?