Cinq ans après la pénalisation des clients de la prostitution, la France reste un pays relativement épargné par une pratique désormais considérée comme un fléau. Allemagne et Pays-Bas, qui normalisent cette activité sont en revanche beaucoup plus touchés.
Le 13 avril 2016 était adoptée la loi instaurant la pénalisation des clients de la prostitution en France.
Une législation visant à lutter contre l’exploitation et la traite des êtres humains que constitue, en ce début du XXIème siècle, la pratique jadis qualifiée de « plus vieux métier du monde ».
Longtemps tolérée par la société qui y voyait un élément de prophylaxie sociale et dont la littérature faisait même un sujet poétique, cette activité est désormais considérée comme dégradante pour la personne humaine et radicalement contraire aux aspirations féministes. Sans compter la prégnance de plus en plus forte des réseaux criminels.
Pourtant, face à cette problématique civilisationnelle, l’Europe demeure très divisée.
Cinq pays de l’UE pénalisent le client
Tout d’abord, la pénalisation du client reste minoritaire au sein de l’Union européenne.
L’ « achat de services sexuels » n’est en effet pénalisé que dans cinq pays.
La Suède, pionnière en la matière, l’a édicté dès 1999. Elle a été suivie en 2006 par la Finlande puis par l’Angleterre en 2008. Cependant, dans ces deux derniers pays, la pénalisation suppose que le client ait eu connaissance que le ou la prostituée agissait sous contrainte.
Cette condition n’existe pas en France dans la loi de 2016 ni en Irlande qui a adopté une législation similaire en 2017.
Le bilan de ces lois de pénalisation apparait mitigé. En Suède, la prostitution de rue a été diminuée de moitié. Mais des enquêtes montrent que la prostitution s’est déplacée sur internet avec pour résultat collatéral la diminution du prix des « passes ».
En France, un rapport public montre une application très inégale de la législation. Ainsi en 2018, seuls 2000 clients ont été sanctionnés dont la moitié à Paris. Il faut dire que l’amende pour un premier délit n’est en France que de 1.500 euros alors qu’elle est proportionnelle aux revenus en Suède où la récidive est punie de prison.
Trois autres régimes en Europe
Outre la pénalisation du client, il existe trois autres régimes concernant la prostitution dans l’Union européenne.
D’abord, la prostitution est illégale en Croatie, en Roumanie, en Lituanie et à Malte.
Dans 12 autres pays – essentiellement l’Europe du sud, l’Europe de l’Est et la Belgique – elle est légale mais réputée « non régulée » sauf en ce qui concerne les activités criminelles et le proxénétisme.
Notons que les maisons closes sont autorisées en Espagne, tolérées en Belgique mais interdites en Italie, au Portugal ou en Pologne.
Enfin, dans six autres pays, dont l’Allemagne, les Pays-Bas, le Danemark ou la Grèce, la prostitution est non seulement légale mais elle est encadrée.
Une prostitution organisée en Allemagne et Pays-Bas…
Partout en Europe, le trafic d’êtres humains a explosé depuis trois décennies, 80 à 90% des personnes se prostituant étant désormais d’origine étrangère.
Pour combattre les réseaux criminels et mafieux, des pays ont donc choisi de réglementer strictement l’exercice d’une profession officiellement légalisée aux Pays-Bas depuis 2000 et en Allemagne depuis 2002.
Là-bas, les professionnels doivent être enregistrés et même, aux Pays-Bas, s’inscrire au registre du commerce, disposer d’une licence prouvant leur « autonomie » et être âgées d’au moins 21 ans.
Le proxénétisme n’est pas en soi un délit à condition d’avoir, outre-Rhin, le statut d’« entrepreneur du sexe » ou un permis pour les propriétaires de maisons closes aux Pays-Bas.
Du coup, dans ces pays, « Eros center » ou « sex clubs » ont pignon sur rue. On en compte près de 150 dans la seule ville d’Amsterdam.
… qui a fait exploser le nombre de prostitués
Cette réglementation fait l’objet de nombreux débats, notamment outre-Rhin. Alors que les réseaux criminels sont bien loin d’avoir disparu, l’ampleur de la prostitution est considérable dans les pays réglementés.
On parle ainsi de 400.000 travailleurs du sexe en Allemagne et de 30.000 aux Pays-Bas.
Si l’Espagne compte également beaucoup de prostituées (300.000 environ), ces chiffres sont sans commune mesure, compte tenu des populations, avec les 80 à 100.000 prostitué(e)s estimés au Royaume-Uni et en Italie tandis que la France en compterait moins de 50.000.
Pour autant, si l’Hexagone semble relativement épargné, ce n’est pas forcément un pays exemplaire du fait d’une importante prostitution de rue et d’une situation préoccupante pour les mineurs.